Comment fabriquer de toute pièce une opposition édentée: mode d'emploi








Au vu de ce qui se passe actuellement au Gabon, Wole Soyinka n'a jamais eu autant raison de dire qu'un Tigre ne crie pas sa Tigritude, qu'il bondit sur sa proie et la dévore. Avec l'annonce de l'établissement d'un parti coalise d'opposition, on assiste a des prises de position pour le mois amusante. Mba Abessole du RPG a directement prit le large en déclarant que ce parti serait plombé dès le départ, tandis que les partisans de Mamboundou eux estiment que ce parti est une création des aigris du PDG voulant ravir au bon pierrot, tenez vous bien, son leadership de l'opposition au Gabon. Les membres du dit parti "Unité Nationale", quand à eux ne nous disent pas comment ils comptent terrasser le PDG qui même complètement affaibli, continue de détenir 100% des cartes politiques au Gabon.

Depuis 1990, l'opposition Gabonaise crie sa tigritude. Mais en dehors de 1993 quand l'opposition a été sur le point de faire basculer le pays et qu'il suffisait à Mba-Abessole de marcher sur la présidence avec des partisans fanatisés et galvanisés, l'opposition se contente de feuler mais les résultats sur le terrain vont de médiocrités en plus grandes médiocrités. Hier Dimanche, 14 Février 2010, pendant que les Gabonais bon teint festoyaient à l'occasion de la Saint-Valentin (tiens comme la femme de l'émergent), moi j'écoutais Gregory Ngwba-Mintsa intervenir sur une Radio Américaine d'audience Africaine. Cet entretient a duré 2 heures et Gregory Ngwba-Mintsa a parlé du Gabon comme on en parle rarement… au Gabon. En écoutant ce dernier expliquer l'évolution politique du Gabon depuis 1990, on se rend compte que les déboires de l'opposition ne devraient surprendre personne au Gabon, car ces désillusions trouvent leurs origines dans la façon dont cette opposition officielle a été enfantée en 1990.
L'opposition Gabonaise a été officialisée en accord avec le pouvoir Bongo, car il fallait matérialiser la fin du monopartisme devenu avec la chute du mur de Berlin, caduque et trop symbolique de république bananière. Le peuple Gabonais dans son ensemble, s'enthousiasma avec raison car il estimait qu'enfin, ce multipartisme impliquerait une opportunité pour la construction d’un nouvel état, une possibilité de pleine réalisation pour la société. Mais comme nous explique Gregory Ngwba-Mintsa, il ne se serait agit en fait, que d'un subtil maquillage politique contrôlé par des gens ayant mis en place une nouvelle machine de coercition. C'est la montée en puissance de "Leaders d'Opposition" dits "charismatiques". On verra même un Lemboumba dans l'opposition, c'est dire… Le peuple suit ces leaders au début; Paul Mba Abessole et Agondjo Okawe sont canonisés, les journaux d'opposition s'arrachent dans les kiosques, le PDG est mis dans le vent. Mais petit à petit, les limites de la marge de manœuvre qu'accorde l'état Bongo à cette opposition apparaissent. Après les succès spectaculaires des deux principales formations de la place, le Morena-Bucherons et le Parti Gabonais du Progrès (PGP), deux partis dont les directoires étaient remplis de personnalités politiques qui inspiraient les Gabonais, et dont les partisans étaient déterminés à la prise du pouvoir; ceux qui tiraient les ficelles se sont inquiétés que l'opposition Gabonaise devenait forte et incontrôlable. On assista alors à des comportements schizophrènes de la part des leaders de l'opposition. Dans un premier temps, il a fallu démanteler toute l'infrastructure de l'opposition, c'est-à-dire les radios, les journaux etc. Un commando avec un Français à sa tête, ira dynamiter Radio Liberté. Ensuite, les leaders de l'opposition ont commencé à saborder leur propre formation politique. Au Morena-Bucherons, Mba-Abessole et Kombila vont se faire une guerre pour des peccadilles. Même son de cloche au PGP où Agondjo fera la guerre à ses lieutenants, forçant une hémorragie au sein de son parti. Au finish les énigmes au sein des partis de l'opposition, Agondjo appelant à la paix des braves et Mba-Abessole appelant à la convivialité, positionneront Omar Bongo en véritable Gaius Julius César Gabonais, c'est-à-dire le maitre absolu du jeu politique dans le pays. Sachant qu'au Gabon, le pouvoir se sert de l'état comme d'un instrument de domination, on verra tour a tour Mba-Abessole, Kombila et les autres entrer dans le gouvernement et mettre aux oubliettes les revendications qui ont fait leur réputation dans le passé. Les autres formations d'opposition dont l'UPG ne pourront jamais par la suite réincarner le mélange de passion et d'espoir qui fut présent au début des années 90. Le résultat est désolant aujourd'hui. Nous assistons à des situations qui voient des partis politiques comme l'UPG et le RPG se retrouver avec 8 députés sur 120 a l'assemblée nationale. Ces 2 formations qui se réclament d'être les leaders de l'opposition au Gabon compte chacune 8 députés, soit 6.6% du total. Avec une telle représentation, comment l'UPG et le RPG peuvent-ils penser être leaders de quoi que ce soit? C'est vraiment lamentable. Quand en plus ces gens se battent pour le leadership de l'opposition, c'est franchement pitoyable.
Dans un contexte politique qui continue d'être dominé par un PDG mue par l'entêtement et le sectarisme d'une famille, je ne vois pas comment le nouveau parti, L'Union Nationale, réussira à imposer l'alternance au PDG, en utilisant les institutions mises en place et tenues par ce même PDG. Il y a quelque chose qui cloche dans ce calcul. La tâche va être ardue face aux mécanismes néo-féodaux de concentration du pouvoir que l'on observe au Gabon. Tout au plus, l'état PDG pourrait céder plus de voix à ce parti à l'assemblée nationale, histoire de faire croire à l'opinion international que la démocratie Gabonaise fonctionne. On pourrait par exemple donner 20 ou 30 sièges à ce nouveau parti. Mais le PDG se gardera toujours la majorité. L'opinion aura l'impression que les choses bougent au Gabon mais dans la réalité, les Bongo seront toujours au pouvoir et l'opposition jouera toujours le rôle qui est le sien, faire miroiter aux Gabonais l'alternance sans chance aucune de la réaliser. Autant suis-je attiré par l'idée d'une possibilité d'alternance, autant la vérité me force de reconnaitre que les membres de L'Unité Nationale, qui n'ont pas pu contrer Ali Bongo au moment où il était ministre comme eux, pourront lui ravir son pouvoir une fois bien installé. Il m'est difficile, autant que j'aime mon pays, de croire en ce miracle. Au Gabon, nous ne sommes pas près de sortir du cadre de la pensée étatique PDG. Ceux qui ne marcherons et ne roulerons pour Ali seront exclus de la mangeoire; c'est comme ça chez nous. Petit à petit, les Gabonais se feront une raison et finiront par tout accepter une fois de plus des Bongo. Je ne vois pas la marge de manœuvre qu'a L'Unité Nationale, pour empêcher Ali Bongo de régner en maitre absolu du Gabon. Donc la question est de savoir en quoi la situation actuelle est-elle différente de ce qu'on a vu dans les années 90? Qu'est-ce qui a été discuté, élaboré, réfléchi pour arriver à l'alternance? Je ne vois pas. Comment "L'Unité Nationale" parviendra à venir à bout de tout un appareil de répression, de cooptation étatique et d'institutions antidémocratiques? J'ai l'impression que pas grand-chose ne changera car sous le coup de l'oppression, les Gabonais ont fini par penser avec les idées de ceux qui les oppriment. Ça, c'est une des garanties de la longévité des Bongo au pouvoir.

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