Le Gabon des services : dissection d’un concept boiteux


Au train où vont les choses au Gabon, avec des promesses farfelues faites aux populations, les pères de l’économie moderne Adam Smith et Lord Maynard Keynes doivent se retourner dans leur tombe. Ceux qui sont familiers des sciences économiques vous diront que théoriquement l’économie se divise en plusieurs secteurs. Il y a le primaire, le secondaire et le tertiaire, pour faire bref. Au Gabon, nous n’avons même pas une économie à proprement parler. Notre secteur primaire que constituent les secteurs agricoles et agroalimentaires, les secteurs forestiers, les secteurs énergétiques, est pour être charitable chancelant. Notre secteur secondaire est le secteur manufacturier ; qui est très rachitique car en un mot le Gabon ne produit RIEN ou presque (attention on ne parle pas ici de matières premières mais de produits manufacturés). Mais voila qu’on nous annonce la mise en place, au Gabon d’un secteur tertiaire performant. Naturellement, les technologies de l’information et de la communication constituent un des moteurs du secteur tertiaire qui est aussi celui dit « des services ». Ce secteur englobe les secteurs de l'hébergement et de la restauration, le secteur transport et entreposage, les secteurs finances, assurances, immobiliers et locations, les services professionnels, scientifiques et techniques (cabinets comptables, services juridiques, services génie-conseil...etc.), les services de gestion, de soutien, gestion des déchets et services d'assainissement, le secteur du commerce, et enfin les gros morceaux qui sont le secteur de la santé, et celui de l’enseignements.

Quand on constate combien le secteur tertiaire dit des services est vaste, on ne peut que s’amuser du terre-à-terre avec lequel les affidés d’Ali Bongo nous déclarent qu’ils vont rendre ce secteur émergent en un tour de passe-passe. Laure Ngondjout a même poussé le bouchon jusqu'à déclarer que l’émergence dans ce secteur sera faite par les NTIC (Nouvelles Technologie de l’Information et de Communication). Ceux d’entre vous qui sont familiers de la déliquescence de nos systèmes d’éducation et de santé ricanerons de savoir que les NTIC sont supposés régler leurs problèmes. Soyons raisonnables, force est de constater que l’équipe Ali Bongo n’est pas sérieuse car seule une équipe peu sérieuse proposerait des contes de fées à une population déjà meurtrie. Les NTIC ne sont qu’un outil qui faciliterait le travail et le rendrait plus efficace. Mais les problèmes du secteur tertiaire au Gabon sont plus fondamentaux. Il faut bâtir ce secteur de font en comble, avant d’y appliquer les Ntic. Ce ne sont pas les Ntic, même avec leur grande application dans la dissémination de l’information (internet), dont les enfants Gabonais ont le plus besoins en ce moment par exemple, mais de salles de classe et d’instituteurs et professeurs bien traités et motivés. Ceux qui observent comment le gouvernement Ali Bongo traite les professeurs de la Conasysed, peuvent avoir un avant gout de la gestion « émergente » du secteur éducatif Gabonais. L’amélioration devra encore attendre.

L’éducation au Gabon est un sinistre. Même si officiellement près de 80% de la population est alphabète, la qualité de cet alphabétisme laisse tant à désirer que parler d’émergence est vraiment prématuré. Sur 100 élèves qui commencent le CP1, moins de 10 auront le BAC. Ces chiffres ne ce sont jamais vus dans un pays qui se voulait émergent. En tout cas, la qualité de l’enseignement est telle, que dans toutes les couches sociales Gabonaises, des initiatives « exportatrices » des progénitures Gabonaises vers des systèmes éducatifs étrangers, se sont multipliées. Vous pouvez avoir tous les Ntic que vous voulez, mais il n’y aura pas d’émergence sans écoles adaptées aux besoins du pays ; et sans plus de considération pour les professionnels du secteur qui gèreront ces écoles sur toute l’étendue du territoire. L’enseignement supérieur qui est une composante aussi essentielle que la précédente, est logée à la même enseigne du délabrement, au Gabon. On a posé des premières pierres (le sport national) pour les universités soit disant de POG, de Mouila et d’Oyem. Mais la réalité nous dit que tout ça n’a été que du bluff. La direction que prend ce secteur de l’enseignement est loin d’être claire. Parallèlement, des soubresauts sociaux périodiques continuent de miner ce secteur qui devrait pourtant être serein si l’émergence était le résultat escompté.

En terme de sante, le carnage est encore plus déchirant. Il ya longtemps que le système de santé au Gabon, n’est plus adapté aux besoins de la population. La qualité des soins médicaux et hospitaliers est déplorable. L’accès n’y est pas facile, que ce soit pour les coûts ou pour l’admission effective aux hôpitaux pour tous genres de soins. Les tarifs qui sont pratiqués dans les établissements décents sont de 2 à 4 fois supérieurs aux salaires mensuels moyens des travailleurs. Avant de parler « émergence », qu’on nous dise quel schéma de mise a niveau des hôpitaux a été lancé au Gabon ? Encore ici, on voit bien que les slogans précèdent les mesures sur le terrain.

Par un regard sur les transports au Gabon, on comprend vu l’état des routes et des ports du Gabon, que l’ambition de faire de ce pays la plaque tournante économique d’Afrique centrale semble assez naïve. D’abord pour le transit terrestre vers l’hinterland, pour un pays qui produit du pétrole, le Gabon accuse un retard incompréhensible. Quant au transport aérien, le nouvel aéroport qui est censé permettre l’essor du flux touristique, reste un mirage de plus au pays des mirages. Surtout dans un environnement où les compagnies aériennes tendent à faire faillite. Les transports au Gabon ne sont pas prêts de se refaire une santé.

La production culturelle du Gabon est aussi presque inexistante. La production audio-visuelle est anémique, l’édition est toujours aussi minimale pour les livres et les périodiques, à moins qu’ils ne chantent les louanges des Bongo. Le show-business est lui aussi toujours en jachère, vu que le pays peine encore à attribuer des droits d’auteurs aux artistes.

Chers lecteurs, le Gabon ne possède donc pas les bases qui en feraient un centre attractif et efficace de production et d’exportation de tous genres de services économiques. La seule mise à niveau de l’infrastructure numérique, ne saurait améliorer de manière significative le sort des Gabonais. Malheureusement, pour changer cet état de fait, il va falloir bâtir toute une fondation éducationnelle, médicale, routière, portuaire, et de génie civil qui nécessiterait de colossaux investissements. Mais cette vérité, le pouvoir Ali Bongo n’ose pas vous le dire, trop pressés qu’ils sont de vous vendre une émergence qui, sans ces préalables, ne resterait qu’un mirage.

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