LA BAISSE DU NIVEAU DES ÉLÈVES GABONAIS, MYTHE OU RÉALITÉ? QUI EN EST RESPONSABLE?

Bruno Ben MOUBAMBA , visitant son école primaire dans le quartier populaire dit de "La Sorbonne" à Libreville (photo Moubamba).


L’idée est assez répandue, les résultats des étudiants gabonais aux examens sont catastrophiques depuis plusieurs années. Mais la question est de savoir si ce constat est plus un mythe qu’une réalité, car on remarquera que le nombre d’étudiants gabonais réussissant dans les universités étrangères continue d’aller en croissant. Alors la question que se pose ce blog est de savoir si ce sont les étudiants gabonais qui n’ont pas le niveau, ou ce sont les conditions d’éducation au Gabon qui ne permettent pas aux étudiants d’avoir de bonnes performances ?

1. L’école gabonaise mérite t-elle de meilleurs résultats dans les circonstances actuelles?
Nous avons reçu des communications alarmistes d’amis de ce blog, nous demandant notre avis sur les résultats catastrophiques du BEPC gabonais cette année. Nous avons promis à ces lecteurs de très bonne volonté, que nous nous pencherions sur la question et apporterions notre contribution à la réflexion du pourquoi de cet état de fait. Primo, si on faisait un retour historique, on s’apercevrait que les grands établissements qui ont fait les lettres de noblesse de l’éducation gabonaise, bénéficiaient d’un environnement différent. Ces établissements comme le collège Bessieux, et l’Immaculée de Libreville, le Val Marie de Mouila, le séminaire St Kisito dans le Woleu-Ntem, étaient essentiellement religieux, avec un enseignement strict, des internats bien organisés et un corps enseignant principalement sorti des ordres religieux ainsi que des effectifs dans les salles de classes dépassant rarement le nombre de 30 élèves. Par la suite des établissements laïcs comme le lycée Léon Mba s’y sont rajoutés. Ces établissements ont formé les premières générations de cadres gabonais et nous avons pris contact avec certains ainés qui nous ont rassuré qu’aucun de ces établissements n’avaient jamais eu dans leur grande époque, des résultats aux examens, Bac ou BEPC, inferieur à au moins 60-70%. Donc au vu de ce constat, on peut affirmer que dans un bon encadrement, l’étudiant gabonais donne de bons résultats. Alors pourquoi les mauvais résultats d’aujourd’hui? A notre avis, l’excellence des premiers établissements n’a pas été maintenue avec la prolifération d’établissements de divers niveaux dans le pays. Les enfants entrant en maternelle n’avaient aucune garantie d’accès à des établissements de qualité durant toute leur scolarité. Il y a surtout le phénomène de la mi-temps qui est venu véritablement saborder l’éducation gabonaise. Au lieu d’investir dans les infrastructures de manière à accommoder tous les élèves et les mettre dans un cadre propice à la performance, l’état gabonais a pris un raccourci en gardant le même nombre de salles de classe et le même nombre d’enseignants, en divisant le temps de classe par deux. En fait, le régime Bongo solutionnait à cour terme son problème du manque d’infrastructures, en utilisant les salles de classe et les enseignants pour 2 fois plus d’élèves. Sachant qu’un programme scolaire est établi pour être dispensé pendant 9 mois, il est impossible qu’un programme soit proprement dispensé aux étudiants qui ne viennent en classe que pour une demi-journée, à raison de 100 élèves le matin et 100 élèves le soir, comment espérer la performance? C’est une éducation bâclée. Dans ce système, les étudiants n’ont plus reçu les enseignements propices à la performance, et le résultat est là aujourd’hui.

2. Le pouvoir a favorisé l’éducation à deux vitesses
Vu que c’est l’état gabonais qui assure la quasi-intégralité des salaires, qui est responsable des affectations, des nominations, des recrutements des enseignants, et aussi de la signature de contrats avec des tiers pays pour faire venir des professeurs au Gabon, évidemment, la responsabilité de l’état de l’éducation ne peut qu’incomber au gouvernement. Au fil du temps, sous le régime Bongo, nous avons assisté à un désagrégement d’une éducation centrale et codifiée, vers une éducation fragmentée, avec des lycées français suivant les programmes de France et des lycées gabonais manquant de tout. Nous nous sommes retrouvés littéralement avec une éducation à la tête du client, à une généralisation de la marchandisation de l’éducation. Pourtant, le discours officiel a toujours été que l’éducation restait un droit humain inaliénable et non soumis aux aléas conjoncturels du marché. Pourtant, nous avons assisté à une institutionnalisation d’une éducation à deux vitesses qui est si flagrante que nous ne pouvions plus parler aujourd’hui d’une vision éducative partagée et commune au Gabon. Le traitement fait aux enseignants reste simplement effarant. Les mesures annoncées par les gouvernements, envers les enseignants, sont souvent ridicules et inégales. Au Gabon, l'enseignement reste un métier trop ingrat (même s’il reste un très beau métier). Enfin, la gestion des ressources humaines dans l'éducation nationale est une honte. Et les réformes annoncées sont loin de convaincre les enseignants. Le gouvernement continue avec ses méthodes de tutorat imposé, pistons et copinage pour le recrutement.

La première solution pour l'éducation au Gabon serait d'écouter les enseignants au lieu d’en faire les boucs émissaires de la catastrophe gabonaise. Il est alarmant de remarquer que sur la RTG1 des « émergents » disent déjà que les problèmes de l’éducation au Gabon viennent des enseignants trop souvent grévistes. Nous sur ce blog disons que les grèves ne sont pas une cause, mais l’effet d’une crise dans notre éducation. Ces grèves sont malheureusement souvent justifiables au regard des conditions de travail réservées à ces enseignants. Nous conclurons en affirmant que les étudiants gabonais n’aient pas baissé de niveau, mais que l’enseignement qui leur est dispensé ne soit plus d’une qualité calibrée sur les exigences des performances d’examens comme le Bac et le BEPC. La preuve est que lorsque les étudiants gabonais sont mis dans des circonstances adéquates dans des institutions étrangères, ils tirent valablement leur épingle du jeu. Donc les capacités sont là, ce sont les conditions de travail qui laissent à désirer.

Comments

  1. Très bonne analyse de notre système éducatif.
    N'ayons pas honte de le reconnaître que les conditions dans les quelles travaillent les enseignants et apprennent nos élèves ne permettent pas d'avoir de bons résultats.
    Il est par conséquent nécessaire que les autorités prennent des mesures adéquates afin de mettre les enseignants dans de bonnes conditions de travail afin d'améliorer les résultats des élèves.
    Pour que les résultats soient améliorés, les enseignants doivent être bien formés, bien traités sur le plan de leur situation administrative, avoir de bonnes conditions de travail par la construction et réhabilitation des structures scolaires afin que les élèves puissent apprendre dans de meilleures conditions.

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