L’ECHAPPATOIRE GABONAIS: LA PAIX



Vous voulez faire un test de la manipulation mentale dont souffrent les Gabonais depuis 42 ans ? Très simple, demandez leur ce qu’a fait Bongo au Gabon en 42 ans de pouvoir. Presque tous les Gabonais vous répondront après avoir pris le temps de réfléchir : « la paix ». C’est pratiquement pavlovien. Cette paix est servie à toutes les sauces dans le discours politique au Gabon. On peut entendre entre autres : « Mamboundou et ses partisans rouges sont une menace pour la paix au Gabon » ; « Mba Obame et son « coup d’état » menacent la paix dans le pays, cette paix chère au défunt président etc. » ; « les syndicats sont une menace pour la paix sociale chère au président Bongo » ; « Omar Bongo était un homme de paix » (allez le dire à Robert Luong ou Germain Mba) ; et ainsi de suite. Les Gabonais sont réduits à des réactions reflexes, comme des animaux de cirque bien dressés. Ils en arrivent à prendre des positions à l’encontre de leurs propres intérêts, sans trop savoir pourquoi. Pour beaucoup, le mot « paix » doit être précédé ou suivi du nom Bongo. C’est presqu’une règle grammaticale, surtout chez les journalistes de la RTG1. Dans ce contexte, les Bongo se positionnent toujours comme les garants de cette fameuse « paix » et tous ceux qui leur contestent le pouvoir sont automatiquement des gens à hauts risques qui en veulent à la sureté de l’état. Et comme les Gabonais « veulent la paix » le pays s’enlise dans l’immobilisme.



1. Comment est née « la paix » à la bongoïste
Quand on veut savoir d’où vient cette peur viscérale pour toute sortie des sentiers battus bongoïstes, il faut remonter au début des années 90, quand le groupe des Rénovateurs qui étaient à l’époque cornaqué par André Mba Obame et secondé par Ali Bongo, créèrent une vague d’insécurité majeure dans les villes Gabonaises, pour faire germer dans l’esprit des populations que le Père Mba-Abessole et son Morena-Bucherons et le PGP d’Agondjo étaient dangereux pour la sécurité des citoyens. Le processus fonctionna à merveille. Les rénovateurs recrutèrent des jeunes voyous Gabonais qu’on appela Cool-Mondjers et ces jeunes se mirent à faire des braquages, des vols et des viols. Il y eu aussi ceux qu’on a appelé les « capistes ». La situation devint très grave quand, l’appétit venant en mangeant, ces jeunes voulurent attaquer la main qui les nourrissait. Ces Cool-Mondjers signèrent leur arrêt de mort quand sur ordre d’un de leurs chefs, le fameux Fantômas, frère de René Ndemezo’o l’actuel ministre des sport, ils organisèrent la séquestration à son domicile du ministre Adiaheno, qui était haut responsable du PDG à l’époque, sous le motif que le PDG leur devait de l’argent pour services rendus. Le pouvoir décida alors d’éliminer ces jeunes devenus gênants. Ndemezo’o devait choisir, son frère ou sa carrière politique. Sentant le danger venir, Fantômas s’enfuit à Bitam où il fut rattrapé par les sbires du régime qui l’assassinèrent. On n’entendu plus parler des Cool Mondjers. Mais le régime Bongo venait de manipuler brillamment le peuple (un autre coup de génie de Mba Obame) ; ce régime avait créé une psychose qui affola la population et « grâce » à ses forces de sécurité dans le rôle de chevaliers, réussit à ramener le calme et la sérénité. Le message était subliminal ; dans un premier temps l’insécurité servait de tremplin pour la justification des mesures de restriction des libertés des opposants, avec couvre-feu, état d’urgence, loi d’exception, et tout l’’arsenal répressif bongoïste qui allait avec. Pour la population, les choses étaient simples : finis les sorties entre amis le soir car les Cool-Mondjers pouvaient frapper ; finis les petits restaurants et le ciné en soirée; finies les réunions associatives en nocturne, bref, la psychose totale. Cette terreur fut imputée à l’opposition. Quand l’armée abattit Fantômas, cet évènement fut présenté comme la volonté des forces de sécurité de ramener « la paix » aux populations du pays. Un grand brigand venait d’être terrassé par nos « bienveillantes » forces de l’ordre, tout naturellement sous la très haute inspiration de son excellence etc., etc. Vous voyez, « la paix » toujours et encore elle. L’association entre Bongo et « paix » venait d’être consolidé de manière très instinctuelle chez la population, grâce à la manipulation du grand banditisme par les Rénovateurs. Le père d’un ami d’enfance qui venait de se faire braquer et voler son véhicule à Nzeng-Ayong, n’arrêtait pas de dire : « si c’est ça la démocratie du PGP et des Bucherons, moi je préfère Bongo. Avec lui on a le calme ». Près de 20 ans plus tard, avec le recul, on comprend que tout cela avait été orchestré.



2. L’absence de guerre n’est pas synonyme de paix
Combien de fois n’a-t-on pas entendu dans les micros-trottoirs Gabonais des compatriotes se prononcer sur « la préservation à tout prix » de la paix au Gabon. Mais c’est triste, ils se croient en paix les Gabonais, car on leur dit à longueur de journée par voie de presse officielle et surtout télévisée, que tant que les armes ne crépitent pas, on est en paix. Quelle erreur ! Dans « Le Contrat Social », J.J. Rousseau parle des prisons. Il note qu'on y vit en « paix », mais sous bonne garde et sans liberté. Le Gabon comme la prison, est l'archétype du lieu où les "pensionnaires" ont été déchus de leur liberté de manière systématique. Mais ils ont la « paix ». Au Gabon, on ne se pose pas de questions fondamentales à ce sujet. Combien de Gabonais sont près à soutenir que pour avoir la paix, il faut avoir la liberté ? Les pays totalitaires sont généralement en « paix », sous régimes policiers, et le Gabon n’en fait pas exception. Est-ce un signe d’Etat de « paix, d’imposer aux Gabonais un président dans les conditions que tout le monde connaît, et ce en 2009, en plein 21ieme siècle ? Les lendemains de la présidentielle d’Aout 2009 enseignent aux Gabonais que les habitudes dictatoriales ont vraiment la vie dure. Les sceptiques et les pessimistes ont raison, l’enjeu du pouvoir a révélé que la dictature continue. Quand on a près de 80% du temps d’antenne des journaux à la télévision nationale qui sont consacrés aux activités du président et à celles de ses partisans, contre presque rien pour les autres, peut-on parler de paix, de sérénité, de liberté ? Les évènements en cours ont le mérite de démontrer l’incapacité du système Bongo à faire les mutations dans la modernité et à adopter des attitudes démocratiques. Dans le « Traité de l'autorité politique », Spinoza écrit : « Quelquefois, il arrive qu'une nation conserve la paix à la faveur seulement de l'apathie des sujets, menés comme du bétail et inaptes à s'assimiler quelque rôle que ce soit sinon celui d'esclave. Cependant, un pays de ce genre devrait plutôt porter le nom de désert, que de nation ! », On peut presque penser que Spinoza ait voulu décrire le Gabon en cette phrase.



Les Gabonais des mapanes, sont-ils en paix ? Les femmes qui accouchent à même le sol dans les hôpitaux de Libreville, sont-elles en paix ? Les 40% de chômeurs au Gabon, d’après les ONG, sont-ils en paix ? Quand les uns n’ont pas les mêmes opportunités que les autres, quand les uns dominent les autres à perpétuité, quand les uns décident à la place des autres, quand les uns ne peuvent pas jouir de leurs droits fondamentaux, peut on parler d’être en paix ? La violence n’est pas seulement la guerre. Il y a violence lorsqu’on ne mange pas à sa faim, lorsqu’on ne peut se soigner dans de bonnes structures sanitaires, habiter une maison décente, avoir une bonne éducation. La violence n’est donc pas seulement physique. Elle est aussi psychologique, économique, sociale, structurelle. Sur ce plan, le Gabon n’est pas du tout en paix, loin s’en faut !

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