DEUX POIDS DEUX MESURES. LA FRANCE VEUT CONDAMNER MANUEL NORIEGA POUR LES MÊMES DÉLITS QU'ELLE EXCUSA AUX BONGO
Il y a environ une semaine, Manuel Antonio Noriega, l'ex dictateur du Panama, a été extradé des Etats-Unis vers la France, pour y comparaitre devant les tribunaux, pour "blanchiment d'argent". L’homme a maintenant 76 ans, et vient de passer 20 ans dans une prison américaine. Cette extradition vient du fait que la justice française l’eut condamné par contumace en 1999 à 10 ans de prison. Ce qui est intéressant est que cette même France qui s'effarouche en obtenant l'extradition de Noriega, pour le juger pour blanchiment d'argent, n'a jamais voulu donner suite aux nombreux actes limpides et évidents de blanchiment d'argent dont ce sont rendus coupables les Bongo depuis 42 ans. Pourquoi les deux poids deux mesures?
1. Pourquoi les Bongo ne sont jamais passés devant le tribunal correctionnel?
En termes simples, la France et Bongo étaient partenaires dans les financements occultes des partis politiques, des assassinats couverts aussi bien au Gabon qu'en France, et principalement dans la corruption pétrolière. Quand le pétrole commença à couler à flot au Gabon dans les années 70, Omar Bongo créa avec René Plas, membre de la Grande Loge de France et gouverneur de la Banque européenne d'investissement, trois banques :
• La Banque du Gabon et du Luxembourg (BGL) à Libreville
• La Société internationale de banque (Siba) au Luxembourg
• La French Intercontinental Bank (Fiba) à Paris, la plus importante
Les révélations d'Eva Joly dans ses enquêtes sur l'affaire ELF, démontrent que la Fiba, dirigée des hommes d'Elf Aquitaine, sera La banque de blanchiment de Bongo. Cette enquête révèle l'existence d'un compte dans cette banque appartenant à Bongo, qui est alimentée par ELF à hauteur d'au moins 40 millions de dollars par an. Il faut aussi signaler que suite à ces révélations, la Fiba fut liquidée et se transforma en BGFI Bank. Le blanchiment lui, continu tranquillement. Dans ce contexte, il est impossible d'imaginer que la France inculpe ses associés d'affaires que sont les Bongo. Surtout aussi que la Fiba sert aussi pour l'arrosage des partis politiques français. Dans son témoignage d'enquête, André Tarallo, le « Monsieur Afrique » d'ELF, avait affirmé que tous les partis politiques ont bénéficié de cette aide illégale de Bongo. On comprend alors mieux pourquoi le parquet Français a intérêt à protéger cette famille.
2. Extrait du livre d'Eva Joly: "La Force Qui Nous Manque". Publié aux éditions des Arènes (Paris), 2007.
"Pourtant au fil de mon enquête, j’ai découvert un monde souterrain. Magistrate, limitée par le cadre de ma saisine et des compétences nationales, je devais m’arrêter sur le seuil de certaines portes, qui menaient vers l’étranger. Je découvrais des chemins qu’il aurait été passionnant de remonter, des connexions qui m’ahurissaient. Avec des chiffres, des comptes, nous avions sous nos yeux le déchiffrage d’un vaste réseau de corruption institutionnalisé, dont les fils étaient reliés en direct à l’Elysée. Ce n’était pas mon rôle d’en tirer les conclusions politiques, mais j’en ai gardé l’empreinte. Nous avions dessiné alors un vaste schéma, que j’ai toujours avec moi. Il fait huit mètres une fois déplié. Il serpente depuis le bureau d’un directeur des hydrocarbures d’Elf, jusqu’à des comptes obscurs alimentés par le Gabon, aux mains d’Omar Bongo : quarante ans de pouvoir et une difficulté récurrente à distinguer sa tirelire et sa famille d’une part, le budget de l’Etat et le gouvernement d’autre part. J’emporte souvent ce schéma avec moi, au fil des rendez-vous. Je l’étale sur les tables, un peu comme un capitaine au combat sort ses vieilles cartes. Les positions ont sans doute varié, les techniques de camouflage se sont sophistiquées, mais le système est là : les tyrans sont des amis, que la France a placés au pouvoir et dont elle protège la fortune et l’influence par de vastes réseaux de corruption ; en échange ils veillent sur les intérêts et les ressources des entreprises françaises venues creuser le sol. Tout ce beau monde a intérêt à ce que rien, jamais, ne stimule ni les institutions ni l’économie des pays. Et si je m’arrête un instant au Gabon, qu’est-ce que j’y vois ? Un pays riche qui exporte plus de treize milliards de dollars de pétrole brut par an et affiche un Pib par habitant largement au-dessus de la moyenne africaine (6397 $)? Ou un pays pauvre où l’espérance de vie est estimée à 55 ans pour les femmes et 53 pour les hommes, ce qui leur laisse un an de moins que les Malgaches nés sur un sol sans pétrole ? Le taux de mortalité infantile est au Gabon particulièrement élevé, le taux de vaccination contre la rougeole est de 40% contre une moyenne de 79% dans les pays en développement. Voilà où en est le Gabon, chasse gardée de la France, fournisseur des trésors du pétrole et de l’uranium, fief de Total-Elf la première capitalisation boursière française". Fin de citation.
Donc quand la France juge un Noriega pour blanchiment, les gabonais pourraient en rire car le même chef d'accusation a été continuellement ignoré par le parquet Français, quand il s'agissait de la famille Bongo.
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