COMMENT ILS ONT SINISTRÉ L’AGRICULTURE AU GABON
L’agriculture gabonaise connaît aujourd’hui de sérieuses difficultés. En toute honnêteté, on peut même dire qu’elle soit pratiquement inexistante. Pourtant, les choses n’ont pas toujours été si sombres. Il existe des chiffres fiables de la production agricole au Gabon depuis au moins 1900. Si on se réduit à la période post-indépendance, les chiffres indiquent que dans les années 60, le Gabon n’importait presque pas de produits alimentaires. Les Gabonais se nourrissaient de leur propre production agricole. Les années 70 virent une dégringolade sans précédent de la production agricole qui continue jusqu’à nos jours au point ou le Gabon en est à importer 80% des produits alimentaires qu’il consomme. Ce délabrement d’une agriculture laissée pour compte, et ce passage de l’autosuffisance à la quasi-totale dépendance, se produisit sous l’impulsion du pouvoir Bongo qui ne cessa de discours en discours, de proclamer l’agriculture comme «la priorité des priorités».
1. La démolition programmée de notre agriculture
Si en 1960 les importations alimentaires au Gabon sont presque nulles, elles ne tournent qu’autour de 4 milliards de francs CFA en 1967 quand Bongo prend le pouvoir. Le régime Bongo délaissera le réseau routier et l’assistance aux agriculteurs et verra l’importation alimentaire culminer à 27 milliards de francs CFA en 1980. Les chiffres du gouvernement gabonais indiquent que pour l’année 2008, le Gabon importa pour 150 milliards de francs CFA d’aliments, et les projections gouvernementales sont de 291 milliards en 2010 et 447 milliards en 2015. Une vraie catastrophe. Pourtant les bongoïstes vous diront que des grands projets ont vu le jour depuis 1967; des blocs de culture industrielle de plusieurs milliers d’hectares sont apparus ici et là. On vous parlera de la Sosuho, des poulets de Boumango, des quelques têtes de bovins dans la Nyanga etc. Mais la triste réalité est que ces initiatives timides et mal pensées n’ont eu qu’une incidence infinitésimale sur la balance commerciale agricole du Gabon. Il y a surtout eu de cuisants échecs dans les tentatives des bongoïstes à s’improviser « gentlemen farmers ». Nous avons en mémoire le retentissant échec d’Agrogabon. Les bongoïstes ont oublié qu’on ne s’improvise pas éleveur ou cultivateur, c’est une vocation. L’état ne sera jamais capable de réussir là où nos parents réussissaient car ils avaient le savoir faire que les bureaucrates bongoïstes n’ont pas. Au lieu d’aider les planteurs à écouler leurs produits comme cela se fait partout où l’agriculture marche, l’état bongoïste a voulu faire précipitamment l’agriculture industrielle ; et l’échec fut patent et retentissant. Ils découragèrent les paysans qui abandonnèrent leurs cultures car non rentables, à cause principalement de l’état des routes, et il fallu importer plus de nourriture de l’extérieur du Gabon. Le pouvoir Bongo a donc démotivé les producteurs nationaux et stimuler l’importation des vivres au Gabon. Il aurait pourtant suffit dans les années 70, de lever l’obstacle majeur au développement du commerce agricole et des transports au Gabon en travaillant les routes. Les paysans du Woleu-Ntem et de la Ngounie/Nyanga aurait écoulé plus facilement leurs produits avec une meilleur rentabilité et nous n’aurions pas eu besoin de faire venir la banane de Douala par bateau pour nourrir les gabonais. Et ce sont les mêmes qui aujourd’hui vous promettent l’émergence !
2. L’assassinat de la filière Cacao-café
Toute personne désireuse d’en savoir plus sur l’histoire de la culture du cacao au Gabon, doit impérativement lire : «G. SAUTTER : Le cacao dans l’économie rurale du Woleu-Ntem. Bull. ht. Et. Centrafricaine NS no I, 1950. ». Le contenu de ce document vous démontrera que le Gabon est arrivé à produire pendant la période coloniale des quantités de cacao proches de la Côte d’Ivoire du Cameroun et du Ghana ; mais qu’après l’arrivée de Bongo au pouvoir, ce secteur fut laissé en friche pour mettre tous les œufs gabonais dans le panier du pétrole. Dans le Woleu-Ntem, dans les années 60 la culture du Cacao était très bien structurée et donnait en moyenne une production de 5000 tonnes par an. En termes actuelles, cette production aurait rapporté aux paysans la bagatelle de 8,250 milliards de francs CFA directement aux paysans par an. S’il y avait 1000 exploitations paysannes, chaque exploitation aurait eu environ 8,250 millions de francs CFA par an. Soit un revenu mensuel de 680000 environ. Mais ça aurait été énorme pour nos familles villageoises et aurait boosté l’économie rurale. En fait, qui gagne 680000 au Gabon ? Pas grand monde. Ce qui faisait marcher la filière cacao fut le système traditionnel des clerks, instaure depuis les Allemands dans le Woleu-Ntem, qui passaient de village en village acheter les récoltes des paysans et leur fournir les produits phytosanitaires pour combattre les parasites qui dévastaient les plantations. Ces clerks avaient leurs fournisseurs attitrés à qui ils achetaient toutes leurs récoltes. Le système fonctionnait très bien. Dans les années 70, le système des clecks fut supprimé et le régime bongo confia le monopole de la commercialisation du cacao à la « Caisse cacao », un organisme relevant de la Direction générale des Caisses de Stabilisation et de Péréquation. Vous aurez compris que désormais ce sont des bureaucrates qui devaient servir d’interface aux planteurs. Alors que traditionnellement, dans le Woleu-Ntem par exemple, les producteurs de cacao vendaient directement aux clecks des maisons françaises ou Anglaises comme Hatton & Cookson, ou Suisse, aux prix du cours européens, et sans intermédiaires ; la Caisse Cacao s’était substituée au commerce libre. Désormais, au Gabon, toutes les opérations, y compris le transport du cacao, étaient contrôlées par la Caisse Cacao, depuis les villages jusqu’aux centres de conditionnement et à l’entrepôt de Libreville. Certains paysans riches d’une déjà longue expérience de production, devait attendre que des bureaucrates de Libreville leur disent comment écouler leur produit. Ce fut un désastre. La productivité dégringola car la Caisse Cacao n’était pas aussi efficace que le furent les clercks qui étaient payés sur commissions alors les gens de la Caisse Cacao étaient des fonctionnaires. Ce fut l’effondrement à tel point qu’aujourd’hui, le Gabon peine à produire 300 tonnes annuelle de Cacao. Nous sommes passés de 5000 tonnes dans les années 60 à 300 tonnes en 2009. Voici qui s’appelle un génocide économique. La Caisse Cacao ne fit pas long feu et fut dissoute. Sur ses cendres, Bongo créa le SONADECI qui fut chargé de faire le même travail. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, ce fut un autre cuisant échec. En 1988, la SOCAGAB, Société de café et de cacao gabonaise, prit la suite de la SONADECI, ce fut un éléphant blanc de plus dans ce cimetière à éléphants déjà très encombré. Pourtant la SONADECI avait un budget de plusieurs milliards de francs CFA et de dizaines de véhicules. Son objectif fut de produire 11 000 tonnes de cacao, mais la production ne fit que décliner, et la SONADECI aussi fit faillite.
Les mêmes obtus qui nous ont coulé l’agriculture viennent d’annoncer qu’ils veulent relancer la filière café-café au Gabon. Avec eux, attendez-vous à ce que les petits 300 Tonnes que produit le Gabon s’étiolent encore un peu plus car ces bongoïstes ne sont pas des gens sérieux. Quel gâchis pour le Gabon, quand on pense que le Ghana lui a continué à progresser avec en 2009 une production cacaoyère de 700000 tonnes. Quand on pense qu’en période coloniale, le Gabon rivalisait avec ces pays en terme de production, et aujourd’hui nous ne pouvons même pas assurer plus de 300 tonnes. Ah les Bongo !
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