LES PROBLÈMES DE TRÉSORERIE RÉCURENT DU GABON: POURQUOI?
Si vous avez ouvert un journal sérieux ce matin, dans la rubrique économique vous aurez su que le pétrole se vendait à 80 dollars le baril, c'est dire environ 40000 franc CFA. Malin comme vous êtes, vous aurez consulté vos archives, histoire de savoir combien de barils de pétrole sortent du Gabon journalièrement. Le Gabon produirait 247800 barils par jour. Donc tous les jours, si on fait un calcul tout bête, le Gabon produit pour 9912000000 francs CFA de pétrole. Comme une année a 365 jours, nous nous retrouvons à 3618 milliards de francs CFA. Ajoutons à ce chiffre la production de manganèse, d'uranium, de bois etc., et aussi les recettes fiscales; et nous nous trouvons assis sur un gros pactole. Même si nous ne percevons qu'une fraction de cette estimation, au total le pactole doit toujours être consistant. Pourquoi donc souffre notre pays d'un récurent problème de trésorerie? Pour avoir le moindre stade, le moindre bâtiment, la moindre infrastructure, il faut un prêt ou un don de la Chine, un prêt de l'Union Européenne, un prêt du Japon, sans oublier la fameuse coopération Française qui reprend avec la main gauche 10 fois qu'elle n'en donne avec la droite. Avec tout l'argent que le Gabon est supposé avoir, il n'arrive pas à payer ses fonctionnaires suivant le calendrier établi. Il y a encore des profs qui ont des arriérés de plusieurs mois.
1. Où va l'argent du Gabon?
Le pétrole est la principale source d’énergie des économies industrialisées. Son prix est en hausse en ce moment (80 dollars le baril) parce que la demande a augmentée suite à l’industrialisation rapide de la Chine et de l’Inde qui, avec leur croissance et leurs immenses populations, consomment beaucoup de pétrole. Voici pour ce qui est de l'amont; mais en aval, les populations africaines en générale et Gabonaise en particulier voient d'immenses pelles mécaniques et pipe-lines extraire des quantités incroyables de richesses de leur sous sol, mais en retour, la population gabonaise ne reçoit sur le crane qu'une pesante et lourde dette. Comment ça? Parce que le Gabon n'est pas géré comme un pays normal. Bien gérer des recettes pétrolières n’est guère différent de bien gérer un budget quel qu’il soit. Il y a pourtant certaines questions que ceux qui ont géré le Gabon et continuent de le gérer ne se sont pas posées; nous n'avons jamais eu de débat sur les questions suivantes: combien faut-il épargner pour les générations futures? Comment stabiliser l’économie face à l’imprévisibilité et la variabilité des recettes pétrolières, et éviter l’alternance d’expansions et de récessions? Et enfin comment assurer que les dépenses sont de qualité, autant pour les gros projets d’investissement, que de consommation publique? Mais au Gabon, quand vous posez ce genre de questions, vous vous heurtez à l’opacité et à la forte politisation du système budgétaire. Cette opacité voulue, laisse libre cour aux détourneurs et blanchisseurs, tout en dépravant le commun des Gabonais des garde-fous nécessaires pour une utilisation efficace des ressources. Il en résulte qu'au Gabon, au lieu d'améliorer le bien-être de la population grâce à des mécanismes de répartition transparents, la manne pétrolière n'existe que pour l'usage des gouvernements kleptocrates.
2. Pour qu'il y ait bonne gouvernance, il faut un consensus social
Au Gabon, la légitimité du pouvoir devrait s'exprimer par un rôle des institutions publiques dans la répartition ou l’utilisation équitable des recettes pétrolières. Ces caractéristiques institutionnelles entraîneraient forcement des meilleurs niveaux de transparence, la stabilité et une meilleure qualité de l’action des autorités. Comment expliquer qu'une personne comme Dossou Aworet ne se soit jamais expliquée devant les Gabonais sur l'utilisation de la manne pétrolière? Si le Gabon avait un système politique stable et ouvert, des institutions électorales solides et une politique gouvernementale appuyée par un large consensus social, les décideurs politiques penseraient à long terme, et les régimes qui en résulteraient seraient fondés sur la transparence. Le fonctionnement de l'état serait dépersonnalisé car les règles seraient claires. Mais au Gabon, le consensus social est inexistant, les partis politiques sont faibles et formés autour de dirigeants "charismatiques"; les institutions électorales sont fragiles car on s'impose par la force; l’appui politique découle du favoritisme. Tout ceci donne lieu à la politique à court terme et à l'enrichissement illicite car les gens ne savent pas toujours combien de temps resteraient-ils à leur poste, car il n'y a pas de carrières, il n'y a que des nominations. Cette situation engendre des mécanismes non transparents de répartition des recettes pétrolières, car le régime ne peut pas voler le peuple et être transparent à la fois. Les conséquences sont tragiques, la répartition du revenu dans le pays est inégale et le rendement économique des dépenses publiques est faible; on assiste à un climat social où règnent le favoritisme et des groupes d’intérêts bien établis dont la loyauté est directement financée par les recettes pétrolières. A cause du manque de prévision et de la volatilité des recettes pétrolières, on assiste à une continuelle succession de freinage et relance de l’activité économique qui donnent une succession d’expansions et récessions. Au finish, bien que les exportations de pétrole aient fait rentrer, selon les estimations, des centaines de milliards de dollars au Gabon depuis les années 70, le revenu réel par habitant a baissé entre 1980 et 2010, et la pauvreté a augmenté de manière exponentielle.
Au Gabon, le pouvoir ne tient pas sa légitimité sur un large soutient de l’opinion publique, ni sur des résultats économiques, mais bien sur le contrôle qu'une famille exerce sur les institutions de l'état, civils et militaires. Les recettes pétrolières sont contrôlées par un petit groupe qui favorise le clientélisme politique (maintient de fragiles coalitions politiques). Mais l’infrastructure économique demeure sous-développée, et la fourniture des services publics est déficiente. Les dépenses publiques montent en flèche et deviennent incontrôlables d’où une forte instabilité macroéconomique qui créée une incapacité chronique à s'autofinancer et engendre des problèmes de trésorerie à répétition.
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