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Soixante ans après l'indépendance, le Gabon est toujours le `` foyer '' des Français

Le Gabon fête lundi ses 60 ans d’indépendance obtenue de la France, et pourtant un coup d'œil autour de la capitale Libreville interroge s'il a jamais rompu complètement avec l'ancien maitre colonial.

L'influence française imprègne toujours chaque fissure et crevasse de la vie gabonaise, de la langue aux croissants frais dans les boulangeries et les courses de chevaux à Paris qui passent à la télévision alors que les parieurs sirotent de la bière française.

«Les Français sont chez eux au Gabon, ils ont leurs magasins, leurs restaurants», a ri Annie, la gérante Gabonaise d'un bar qui se moque des Gabonais qui fréquentent les mêmes lieux.

"Ils se croient en France", a-t-elle déclaré.

La France a officiellement colonisé le Gabon à partir de 1885 et ce pays fit parti de l’Afrique Equatoriale Française. Lorsque vint l'indépendance, la France traita le Gabon avec attention, motivée en partie par sa richesse en uranium qui était au cœur du programme nucléaire français.

Dans cette approche, la France a toléré et soutenu une série de dirigeants autoritaires, à commencer par le premier Président Léon Mba.

- Champagne -

Juste à côté du boulevard de l'Indépendance, se trouve la résidence de l'Ambassadeur de France, nichée sur les hauteurs d'un immense parc boisé dominant Libreville.

Dans ce jardin tropical à la française, un bal grandiose a lieu chaque année pour fêter le 14 juillet. Champagne à la main, ministres et opposants de la hiérarchie politique gabonaise mettent momentanément de côté leurs divergences pour porter un toast à l'amitié franco-gabonaise.

Le domaine est grandiose dans tous les sens et éclipse presque le palais présidentiel doré, construit par Omar Bongo, le deuxième président du Gabon, à cinq kilomètres de là.

Placé au pouvoir par la France en 1967, Bongo dirigea le pays pendant 42 ans.

"Les Gabonais ont une patrie, le Gabon, et un ami, la France", disait-il.

Jusqu'à sa mort en 2009, Omar Bongo fut l'un des symboles de la « Françafrique », le réseau de relations et de schémas politiques forgés par la France avec ses anciennes colonies subsahariennes – qui ont été émaillés de trop nombreux scandales.

- Camp de Gaulle -

Riche en pétrole et en uranium, le Gabon, avec deux millions d'habitants, est depuis longtemps un pays clé de la France en Afrique.

L'idée qu'il soit impossible de devenir président sans l'approbation française est très répandue ici.

"Et quand des opposants doivent s'exiler, c'est en France qu'ils trouvent refuge", a déclaré l'universitaire Joseph Tonda.

La présence française est peut-être la plus évidente derrière un long mur gris hérissé de barbelés.

Bienvenue au Camp de Gaulle, l'une des quatre bases militaires françaises en Afrique, avec près de 400 soldats.

A la mort d'Omar en 2009, son fils Ali Bongo lui succède et promet de mettre fin à la relation quasi exclusive avec la France.

"La France au Gabon? Ce n'est plu ce que c'était, nous n'avons plus l'influence que nous avions sous Bongo père", a déclaré une source sécuritaire française à Libreville.

Plus d'une décennie plus tard, la France a perdu du terrain économiquement au profit d'investisseurs principalement asiatiques, qui ont repris des secteurs stratégiques comme l'exploitation forestière ou la gestion portuaire, a déclaré l'analyste économique Mays Mouissi.

Dans le quartier industriel, les bâtiments et les hôtels chinois ont poussé comme des champignons. Et en 2014, la Chine est devenue le premier partenaire commercial.

"Mais la Chine n'est pas aussi populaire que le pays de l'ancien colonisateur", a déclaré Tonda.

- Vin français et chevaux -

Dans les supermarchés gabonais haut de gamme, les produits français comme le beurre, le camembert et le lait, sont abondants.

«La consommation du Gabon est liée à son histoire avec la France, car nous avons malheureusement une faible production gabonaise», a déclaré Alain Rempanot Mepiat, conseiller du PDG de Ceca-Gadis, qui importe près de 80% de ses produits de France.

C'est notamment le cas pour les boissons. Des bouteilles de Bourgogne ou de Bordeaux ; des produits bon marché aux grands millésimes, remplissent des rayons entiers.

Dans les «matiti», quartiers populaires, la préférence va à la Regab, bière locale brassée depuis les années 1960 par le groupe français Castel.

Et les antennes paraboliques de la chaîne de télévision Canal+ appartenant à Vincent Bolloré, sont disséminées sur les toits de tôle.

Il y a aussi les auvents rose bonbon du PMUG – la succursale locale du Pari Mutuel Urbain Gabonais - où les Gabonais se pressent pour parier sur les chevaux.

Propriété de l'homme d'affaires corse Michel Tomi, le PMUG promet de "changer votre vie" pour quelques francs CFA, en pariant sur les courses de Longchamp ou de Vincennes, en région parisienne.

Mais pour certains, la relation franco-gabonaise n'a pas d'importance.

"Qui se soucie de la France? Nous voulons prendre soin de nous-mêmes et nous nourrir, nous avons d'autres problèmes", a déclaré Mathilde, une jeune femme de Libreville.