THE OPENING ADDRESS OF JEAN PING AT THE NATIONAL DIALOGUE FOR CHANGE. LE DISCOURS D’OUVERTURE DE JEAN PING LORS DU DIALOGUE NATIONAL POUR L’ALTERNANCE






Messieurs les Présidents,

Mesdames et Messieurs les membres du corps diplomatique,

Honorables invités,

Mesdames et Messieurs les membres de la Société civile,

Mesdames et Messieurs,

Chers compatriotes,

En cette année 2016, le peuple gabonais, à la faveur de l’élection présidentielle, était invité à choisir l’offre politique qui allait déterminer son avenir. En situation normale, cette élection présidentielle aurait pu se limiter à la mise en concurrence des projets des différents candidats et se solder par la victoire du plus convainquant d’entre eux.

Mais c’était sans compter avec des hommes et des femmes qui, dans leur imaginaire diabolique, avaient pris le Gabon et les Gabonais en otage, après leur avoir fait subir douloureusement sept (7) années d’amateurisme, d’arrogance, de dictature, de kleptomanie, d’incompétence, de mensonge et de violences gratuites. Dès lors, le Gabon a inexorablement basculé dans l’inconnu et dans l’incertitude.

Pour affronter ce pouvoir déterminé à se maintenir par le fer, le feu et le sang, l’Unité de la Nation se présentait comme le plus grand défi que devait relever le peuple gabonais pour reprendre son destin en main. Cette unité de la Nation avait une exigence en forme de préalable : l’Unité de l’opposition dans sa diversité.

Face à cette exigence et au péril de la dispersion qui faisait peser un risque réel sur les chances de l’alternance, un panel dirigé par Monsieur Zacharie Myboto, et qui regroupait plusieurs autres dignitaires et personnalités de la République : Jules Aristide BOURDES OGOULIGUENDE, Jean François NTOUTOUME EMANE, Eugene KAkOU MAYANDZA, Rev. Georges NGOUSSI, Didjob DIVUNGUI DI DINGE, Anaclet BISSIELO, pour ne citer que ceux-là, avaient pris l’initiative d’inviter l’ensemble des candidats du changement à une démarche unitaire pour l’intérêt supérieur du Gabon.

En réponse à cet appel, habités par le même impératif, Guy Nzouba Ndama, Casimir Oye Mba, et moi-même, auxquels s’étaient joints plus tard Léon Paul Ngoulakia et Roland Désiré AB’A-MINKO, avons consenti au renoncement de nos candidatures individuelles et le 16 août 2016, j’ai été désigné comme le candidat unique de l’opposition au pouvoir, donc de l’alternance démocratique, répondant ainsi à cette démarche unitaire que les Gabonais appelaient avec force.

C’est le lieu pour moi ici de rendre hommage à ces panelistes sans lesquels rien de tout cela n’aurait été possible. La Nation vous est reconnaissante.

Aux candidats qui ont renoncé à leurs légitimes ambitions pour se hisser au niveau des attentes de notre pays, je voudrais leur exprimer ici mon admiration et mon plus grand respect.

Aux jeunes et aux femmes de toutes conditions, je voudrais dire toute mon admiration pour le travail multiforme qu’ils abattent jour et nuit. Je leur exprime mes encouragements à poursuivre cette lutte commune pour la libération de notre pays.

Que dire de ce magnifique peuple du changement venu si nombreux assister à ce grand rendez-vous patriotique pour échanger entre Gabonais, sur les sujets d’intérêt commun.

Au comité d’organisation de ce Dialogue, j’adresse, au nom de tous les membres de la Coalition pour la Nouvelle République mes sincères félicitations.

Le 27 août 2016, en réponse à l’unité des forces de l’alternance autour d’une candidature unique, le peuple gabonais s’est massivement rendu aux urnes et a fait clairement le choix de l’unité, de l’alternance et du changement que représentait ma candidature.

Désavoué de manière incontestable par le peuple souverain, mais déterminé à s’accrocher par tous les moyens au pouvoir, y compris au prix du sang des Gabonais, Ali Bongo et son clan d’affidés se sont révélés au monde dans leur véritable nature.

Les forces de défense et de sécurité ont été transformées en milices privées, massacrant dans les rues des populations sans armes, aux mains nues. Enlevant et séquestrant des centaines d’autres.

Les organes en charge de la gestion de l’élection présidentielle, notamment la Cénap et la Cour Constitutionnelle ont été pris en otage par des femmes et des hommes assujettis à Ali Bongo, pour falsifier les suffrages des Gabonais et tenter vainement de légaliser le Coup d’État militaro-électoral qu’ils avaient décidé de perpétrer. Et le Gabon s’est retrouvé endeuillé.

Nous sommes en deuil, mes chers compatriotes, nous sommes en deuil parce que Marie Madeleine MBORANTSUO a fait le choix troublant de transgresser l’interdit. Oui, l’interdit du baptême républicain, celui par lequel la République organise l’espace temporel, met en place les mécanismes qui permettent l’exercice du Pouvoir pour le Vivre ensemble.

En effet, en proclamant le vendredi 23 septembre 2016, la victoire en faveur de son fils Ali BONGO ONDIMBA devant Dieu et devant le peuple gabonais, et prenant à témoin la Communauté Internationale, la Présidente de la Cour Constitutionnelle, venait de poser l’acte de négation du peuple gabonais et de sa souveraineté.

Par-delà cet acte ignoble, elle venait également de défier sans élégance la Communauté Internationale gardienne de la souveraineté des peuples et de la stabilité du monde libre.

Ces deux situations d’infamie majeure, du 27 Août et du 23 Septembre 2016, qui marqueront à jamais notre mémoire collective et s’inscriront à l’encre indélébile dans notre histoire commune, ont scandalisé notre intelligence et ébranlé nos convictions morales profondes.

L’ampleur de ces deux situations apocalyptiques, ont été d’une telle violence psychologique qu’elles ont détruit chez beaucoup de nos compatriotes encore sous le choc, la consternation et la torpeur, le noble sentiment d’appartenir à notre communauté, la communauté gabonaise.

Le traumatisme national, que ces deux situations ont généré, nous invitent à l’urgence. L’urgence d’un travail d’exorcisme collectif, pour reconstruire les cœurs des pères, des mères et de la jeunesse encore meurtris jusqu’à ce jour, en espérant leur apporter la résilience nécessaire à une vie normale.

Ce travail est plus que nécessaire, car pour rentrer dans la nouvelle République, nous avons besoin de toutes les ressources, surtout les ressources humaines, parce que les attentes de nos compatriotes sont immenses et justifiées.

Mesdames et Messieurs,

Depuis mon élection à la Présidence de la République, avec l’appui et le concours de tous, j’ai tout mis en œuvre pour donner aux institutions nationales une chance de s’amender.

Nuit et jour, je me suis investi pour tenter de rétablir le lien entre l’appareil d’État et le peuple gabonais, entre la justice et vous, entre notre armée et vous.

Ce lien, j’ai voulu aussi le rétablir entre les élus du suffrage universel et leurs électeurs trop souvent floués par un système perverti par des mal-élus ou des non-élus.

Malheureusement, j’ai dû faire face à des considérations d’un autre âge, d’une autre époque. J’ai dû me heurter au mépris pour la souveraineté populaire, à l’absence de culture républicaine et au primat de l’intérêt personnel qui habite malheureusement encore une bonne partie de la classe politique habituée à l’argent et aux privilèges faciles.

Il y a une semaine, jour pour jour, la Mission d’observation électorale de l’Union européenne rendait son rapport sur l’élection présidentielle du 27 août dernier. Sur la base de constatations et de données recueillies sur le terrain, ce rapport confirme ce que nous avons toujours affirmé sur cette élection. De manière incontestable, il démontre que c’est votre candidat, Jean Ping, qui est sorti le vainqueur de cette élection présidentielle.

Durant tout le processus électoral, malgré les réserves aujourd’hui confirmées que nous avions sur l’impartialité des institutions, encouragés en cela par la communauté internationale, nous avons fait le choix de la légalité républicaine. C’est tout à notre honneur et nous ne le regrettons pas.

Au terme de ce processus régulier, j’invite les partenaires du Gabon et amis du peuple gabonais à prendre leurs responsabilités, toutes leurs responsabilités. Je leur demande de tirer toutes les conséquences de ce rapport qu’ils devraient s’en approprier pour montrer l’exemple (notamment en prenant des sanctions ciblées).

Je le demande, non pas parce que j’ai peur ou parce que je nous sens faibles ; je le demande parce que j’ai conscience de la responsabilité historique des principaux partenaires du Gabon. Je l’exige parce que je mesure la solidité de nos liens et la portée des valeurs que nous avons désormais en partage.

La démocratie, valeur cardinale dans tout pays normal, ne doit pas être à géométrie variable.

Dans ce grand village planétaire, il n’y a pas de démocratie pour les Noirs et une autre démocratie pour les Blancs. Il n’y a pas de démocratie pour l’Occident et une autre démocratie pour l’Afrique. La démocratie c’est la démocratie, c’est-à-dire des valeurs universelles.

Ici et devant vous, je confirme que nous sommes parvenus au terme de notre démarche de légalité républicaine. Désormais, tout peut être envisagé. Plus que jamais, aucune option ne doit être écartée. Toutes les hypothèses sont sur la table. Grâce à vous et avec votre soutien, nous devons prendre notre destin en main, oui nous devons prendre notre destin en main. La résistance est en marche, ne lâchons rien et allons jusqu’au bout.

Mesdames et Messieurs,

Rendre au peuple sa souveraineté est le premier défi qui se présente à nous ici et maintenant. Les Gabonais qui espéraient faire changer les choses par leurs bulletins de vote, croyaient que le vote était supérieur à la force des armes.

La junte au pouvoir lui a brutalement répondu que c’est plutôt par la force des armes que les choses doivent demeurer en l’état.

Nous continuons de croire en la Démocratie parce que nous sommes des Démocrates. Etre démocrate, c’est rendre l’horizon de l’indispensable Etat de droit possible. Mais, c’est aussi croire en la République. Or, défendre le République, c’est rechercher l’intérêt général, et le préférer à l’intérêt personnel.

Le 27 août dernier, le peuple gabonais a clairement fait le choix de la démocratie et de la République. Mais, depuis ce mois de septembre 2016 de triste souvenir, son espérance, née de la victoire de son choix dans les urnes, s’est transformée en une colère profonde et compréhensible.

Messieurs les Présidents,

Excellences, Mesdames et Messieurs,

Chers compatriotes,

Je vous remercie d’avoir répondu aussi nombreux à notre invitation au Dialogue national pour l’alternance que nous avons décidé d’organiser, en réponse à la très grave crise politique que traverse notre pays en tant que Nation.

En effet, depuis le 31 août dernier, au mépris du rejet massif que lui a clairement exprimé le peuple gabonais à travers son vote, Ali Bongo tente par tous les moyens de se maintenir coûte que coûte au pouvoir. Et pour cela, il ne recule devant rien.

À son initiative diabolique, l’armée de la République dont la vocation est de défendre le pays, a été infiltrée par des mercenaires et transformée en milice à son service personnel. Des Gabonais sans armes, souvent très jeunes, ont été assassinés par des hommes vêtus des uniformes des forces de défense et de sécurité de notre pays. Des armes achetées avec l’argent de nos impôts pour assurer notre protection ont été utilisées pour massacrer nos compatriotes.

Le 31 août 2016, à l’annonce des résultats frauduleux par le Ministre de l’Intérieur, les populations Gabonaises qui avaient très largement voté pour moi, se sont spontanément mises dans la rue pour manifester une colère rarement vue jusque-là.

L’Assemblée Nationale a ainsi été incendiée dans la nuit du 31 août au 1er septembre 2016 avec, paraît-il, la complicité des pouvoirs publics pour justifier l’attaque meurtrière de mon QG de campagne. Quelle attitude criminelle !

En réponse à cette colère des citoyens floués dans leur expression démocratique, le pouvoir a tout bonnement donné l’ordre de tirer à balle réelle. Une répression sanglante a ainsi été perpétrée par les escadrons de la mort et autres milices en armes.

De l’aveu du Gouvernement, près d’un millier de personnes, dont plus de 700 pour la seule ville de Libreville, ont été arrêtées et maintenues en détention pendant plusieurs jours dans des conditions dignes du règne animal.

En écoutant les récits de ceux qui ont eu la malchance de se retrouver au mauvais endroit au mauvais moment, l’on a de la peine à croire que notre pays ait pu produire de tels monstres.

Aujourd’hui, l’opposition au pouvoir est majoritairement constituée de personnalités qui, pour la plupart, ont participé à la gestion de notre pays et je ne m’y soustrais pas en le disant ; j’y prends toute ma part.

C’est pour cette raison que j’ai toujours considéré notre engagement et notre détermination comme une voie de rédemption ; oui, une voie de rédemption pour chaque homme et pour chaque femme qui a contribué volontairement ou involontairement à créer ces monstres. Mais comment a-t-on pu, des années durant laisser évoluer, à nos côtés, des monstres pareils ?

La question qui vient à l’esprit face à ce déferlement de violence est : qu’est-ce que le Gabon a fait à cet homme, à qui il a pourtant tout donné, pour qu’il ait pu ordonner pareilles atrocités sur un peuple qu’il prétend vouloir gouverner. Sommes-nous encore des humains ?

Au cours de cette même nuit du 31 août au 1er septembre 2016, l’immeuble abritant mon Quartier Général (QG) de campagne a été attaqué par un Hélicoptère de la Garde présidentielle, pris d’assaut par des militaires de ce même corps, ainsi que des miliciens encagoulés.

Durant plusieurs heures, cet immeuble a été saccagé par ces hommes en armes, tuant plusieurs personnes dont les corps ont été emportés par les assaillants. 26 personnes ont été prises en otage sur les lieux par la Gendarmerie nationale, sur ordre du pouvoir, durant plus de 36h.

Plusieurs corps ont, dans les jours et semaines qui ont suivi, été découverts dans les différentes morgues de Libreville.

Et pour quelque peu adoucir le sinistre exploit de ses mercenaires, le pouvoir ensanglanté n’a déclaré cyniquement que six (6) morts au total, sur toute l’étendue du territoire.

Ce bilan, comme vous l’imaginez, est très fantaisiste, la rumeur qui, dans les pays dictatoriaux sert toujours de baromètre vraisemblable, parle de près de 300 morts dans l’ensemble du territoire.

Certains corps auraient même été jetés dans l’estuaire (entre Libreville et la Pointe Dénis), d’autres enfouis dans des fausses communes quand certains n’ont pas été tout simplement incinérés.

Que dire des arrestations arbitraires, des séquestrations, des tueries et des intimidations qui sont devenues le lot quotidien des paisibles Gabonais. Nous avons encore été édifiés par la tentative d’enlèvement (tenez-vous bien !) dans son domicile du campus universitaire de l’un de mes avocats, Maître Eric IGA IGA qui n’a eu la vie sauve qu’en allant trouver refuge dans une ambassade d’un grand pays ami.

C’est le lieu ici de remercier solennellement cette Haute représentation diplomatique pour avoir offert à cet avocat l’hospitalité.

Au service du dictateur impénitent, les juges de la Cour Constitutionnel ont délibérément violé leur serment.

Ils ont trahis le peuple gabonais en osant proclamer en son nom quelqu’un qui n’a jamais été élu président de la République et l’infamie s’est achevée lorsqu’ils reçurent honteusement le serment de ce faux président dont chacun d’eux savait dans le silence de sa conscience inhibée, et par les faits en leur possession, qu’il n’est qu’un imposteur dans cette haute fonction.

Et pour couronner leur forfait, ils allèrent, en colonne couvée, remercier le Seigneur à la cathédrale Sainte-Marie de leur avoir permis d’accomplir cette prouesse antirépublicaine. Comble de sacrilège, la patronne de la Tour de Pise n’a pas trouvé mieux que d’aller s’incliner à Lourde.

Voilà le Gabon que cherche à offrir à notre jeunesse ceux qui sont sensés incarner les hautes institutions de la République !

Depuis lors, les libertés individuelles, la justice et l’État de droit, qui constituent le fondement de notre vivre ensemble sont malmenés comme jamais.

Désormais, on ne compte plus le nombre de Gabonais qui, menacés dans leur intégrité, ont été contraint à l’exil.

J’en profite ici pour rendre un hommage mérité à tous nos compatriotes des différentes diasporas qui mènent un combat admirable et honorent ainsi notre pays. Qu’ils sachent que le peuple gabonais, ici, ne l’oubliera pas. Il ne l’oubliera pas, parce que ce combat qu’ils mènent avec courage et détermination en dehors de nos frontières, est celui de nous tous.

Je les exhorte vivement à œuvrer au sein du Conseil Gabonais de la Résistance pour que ce combat qu’ils mènent avec héroïsme ne soit pas vain. Je voudrais en profiter pour rappeler que ce Conseil Gabonais de la Résistance est notre affaire à tous, il constitue un outil indispensable de la Coalition pour la Nouvelle République.

Voilà pourquoi nous devons veiller à ce qu’il soit le plus efficace possible.

Mesdames et Messieurs,

Chacun de nous mesure la gravité de la situation actuelle. C’est notre avenir en tant que Nation qui se trouve désormais menacé. J’ai conscience des angoisses, j’ai conscience des peurs et des doutes qui habitent légitimement la majorité des Gabonais.

Mais, je vous assure qu’ensemble nous parviendrons à sauver l’honneur perdu de notre pays que ces hommes et femmes ont lâchement souillé. Et c’est avec vous, Gabonaises et Gabonais, que nous relèverons ce défi qui se présente devant nous. Il nous faut donc résister, toujours résister jusqu’à la victoire finale.

Plus que jamais, nous devons tous avoir à l’esprit cette vérité historique : « la liberté, dit-on, est une conquête permanente, elle n’a jamais été acquise dans aucun pays du monde au cours d’un dîner de gala entre amis. Elle a toujours été un combat au quotidien, une victoire arrachée… ».

A la croisée des chemins, le Gabon n’échappera pas, hélas, à cette triste réalité. Les victoires de demain se construisent toujours dans les combats d’aujourd’hui.

C’est fort de cette conviction en notre capacité à relever ce défi que vous avez été conviés à ce Dialogue National pour l’Alternance. Nous sommes ici réunis pour prendre notre destin en main et nous déterminer par rapport à notre avenir commun et au devenir du Gabon, notre chère patrie.

Notre responsabilité est d’abord de nous rassembler. Nous rassembler, c’est parfaire notre organisation, améliorer notre communication interne et raffermir nos relations avec les forces sociales qui nous accompagnent. Sur ce point, beaucoup a été fait mais beaucoup reste à faire.

Au cours des jours qui viennent, nous irons plus avant dans notre démarche. Chacun de nous devra prendre toute sa part dans ce combat pour notre survie collective et individuelle.

Messieurs les Présidents,

Mesdames et Messieurs,

Chers compatriotes,

Face aux massacres perpétrés dans tout le pays par les milices recrutées avec les moyens de l’État et aux violations massives des droits de l’Homme dont ont été victimes les Gabonais, nous avons décidé de saisir la justice internationale.

Nous sommes déterminés comme jamais à placer individuellement devant leurs responsabilités, les femmes et les hommes qui ont trahis notre pacte républicain.

La Cour Pénale Internationale a reçu officiellement la plainte que nous lui avons adressée le jeudi 15 décembre 2016. C’est notre honneur que d’user, avant toute chose, du droit et des instruments que nous offre la civilisation. C’est au nom de la vérité et à la mémoire des innocentes vies cruellement arrachées à l’humanité que nous avons déposé cette plainte à la CPI.

Les premiers éléments d’enquête déjà déposés engagent véritablement aussi les commandants des unités de la Garde Républicaine, de la Gendarmerie et de la Police, y compris les éléments composant les milices recrutées pour la basse besogne. Tous devront s’expliquer bientôt. Toute la chaîne de commandement et de responsabilité sera minutieusement analysée et les coupables seront identifiés, nommés et punis tôt ou tard. Les professionnels de la justice internationale s’occupent d’ores et déjà de leurs cas.

Lorsque les bourreaux répondront de leurs actes ignobles devant cette Très Haute Instance Judiciaire internationale et que les responsabilités seront clairement établies, chaque Gabonaise et chaque Gabonais devrait pouvoir dire, « plus jamais ça ! »

Je le dis avec force et c’est ma conviction : le respect du droit n’est pas une marque de faiblesse et la justice n’est pas le refuge du poltron.

En saisissant la justice internationale, nous restons fidèles aux valeurs universelles de liberté et de démocratie, et privilégions l’intérêt de l’ensemble du peuple gabonais.

Le Gabon fait partie du monde, il veut prendre la place qui lui revient dans le concert des nations libres. Et comme je l’ai déjà dit dans un de mes discours de campagne, nous devons être un partenaire exemplaire et fiable pour nos voisins africains et européens ainsi que pour les organisations internationales qui nous accompagnent au niveau économique et aussi en matière de sécurité.

C’est donc le lieu ici de saluer la présence des membres du corps diplomatique qui ont bien voulu répondre à notre invitation en venant assister à cette cérémonie d’ouverture du Dialogue National Pour l’Alternance.

Messieurs les Présidents,

Mesdames et Messieurs,

Si je suis convaincu de la justesse de notre cause, je suis tout autant exigeant avec nous-mêmes. J’estime que nous avons un devoir de vérité et de sincérité avec nous-mêmes et avec nos compatriotes. Sur la crise actuelle, l’occasion nous est tous offerte de pouvoir dresser un diagnostic juste et sans complaisance.

Cette crise n’est pas seulement la conséquence d’une législation insuffisante ou d’une mauvaise organisation. Elle est certainement aussi l’expression de la faiblesse de la République et d’un déficit de citoyenneté. C’est ce déficit de citoyenneté qui caractérise la gouvernance de ceux qui ont pris le pouvoir par la force.

Dans la psychologie de ceux-là qui prétendent régner au lieu de gouverner, les Gabonais ne sont que les sujets du pseudo-roi qui a droit de vie et de mort sur eux.

C’est dans ce contexte que naît ce qu’ils ont appelé pompeusement « l’émergence » qui dans leur tête mal faite n’était en réalité que l’émergence d’une royauté déguisée.

C’est en considération de cette réalité historique dissimulée à dessein, que j’ai proposé à mes compatriotes de construire avec eux un projet de société qui repose sur les deux piliers que sont : le Gabon à l’abri de la peur et le Gabon à l’abri du besoin.

La candidature unique de l’opposition et la victoire de notre coalition à l’élection présidentielle a permis d’enrichir considérablement ce projet pour aboutir aujourd’hui à un programme commun de gouvernement que les participants à ce Dialogue seront amenés à examiner et, je n’en doute pas, à compléter si besoin.

Mes chers compatriotes,

Le Gabon, tel que je l’entends et l’imagine, est un Gabon où les libertés fondamentales et les principes démocratiques doivent guider l’action de l’État. C’est aussi cela l’Etat de droit.

Nous devons donc imaginer des réponses intelligentes adaptées à l’absence de séparation des pouvoirs en conjuguant transparence et responsabilité individuelle.

La transparence c’est le libre accès à toute information détenue par les pouvoirs publics dans les limites des lois et règlements du pays. Elle implique la mise à disposition de toute donnée objective pouvant permettre aux citoyens de se faire une idée claire de la situation et de la gestion du pays.

La responsabilité individuelle c’est l’obligation faite à chacun de nous de répondre personnellement de nos actes. Elle suppose de mettre chacun en position de devoir en assumer les réparations voire les sanctions.

Je vous parle de transparence et de responsabilité individuelle parce que c’est le non-respect de ces deux principes par ceux qui sont gracieusement payés pour les faire observer qui a lourdement pesé sur l’élection du 27 août dernier et qui nous amène aujourd’hui à la situation actuelle.

C’est parce que la transparence n’a pas toujours été au rendez-vous qu’il nous a fallu faire preuve d’ingéniosité pour collecter les procès-verbaux et que le simulacre grossier qui s’est joué dans la province du Haut-Ogooué a pu être possible.

C’est parce que la responsabilité individuelle n’a jamais habité les organisateurs de cette élection que la Cénap a pu valider la candidature d’Ali Bongo avant d’ignorer les requêtes de milliers de citoyens, pourtant formulées conformément à la loi. C’est aussi pour cette raison que le ministre de l’Intérieur a pu annoncer des résultats sortis de son imaginaire étroit.

C’est fort de cela que les membres de la Cour constitutionnelle ont pu, individuellement et collectivement, faire étalage de leur proto-incompétence et surtout de leur cynisme antirépublicain.

Nous devons donc imaginer des solutions innovantes pour que plus jamais cela ne se reproduise dans notre pays. Cette préoccupation doit être au cœur de notre réflexion au cours de ce dialogue national.

Chers compatriotes,

Le chantier qui se présente à nous est immense et passionnant. Nous devons parler de notre destin commun et envisager un Gabon adapté aux exigences de notre temps. Parce que nous ne voulons pas rentrer au 21ème siècle à reculons.

Notre pays est confronté au triple défi du chômage, de la précarité et du mal vivre. L’économie, la santé, l’éducation ou le logement sont presque tous complètement sinistrés.

Ai-je encore besoin de rappeler que depuis sept (7) ans, nos mères et nos femmes n’ont plus d’espace pour vendre au marché, les Gabonais sont exclus d’une bonne partie de l’économie nationale par des réseaux mafieux importés et entretenus ?

C’est dire qu’il y a péril en la demeure, mes chers frères et sœurs !

Nous ne pouvons plus faire comme si de rien n’était. Nous devons à jamais bannir de notre langage ce leitmotiv défaitiste que l’on entend trop souvent chez certains de nos compatriotes : « on va encore faire comment ? »

Nous devons au contraire nous mobiliser pour construire une société de justice où l’égalité des droits sera effective. C’est cela faire face au présent. Mais c’est aussi ça inventer l’avenir.

Inventer l’avenir c’est nous ouvrir à toutes les forces sociales. En accueillant ici la société civile (syndicats, organisations religieuses, associations, ONG), que je remercie pour leur implication effective, nous nous inscrivons dans une démarche inclusive, une dynamique participative. Nous devons poursuivre ensemble dans cette voie.

Nous devons nous ouvrir à toutes les intelligences, à toutes les énergies positives dont regorge notre pays et qui n’attendent qu’à être activées.

Nous sommes prêts à accueillir tous les compatriotes qui le souhaitent et qui comme nous, rêvent d’un Gabon meilleur. Nous sommes prêts à construire avec eux, dans le respect de nos différences, une Nouvelle République.

Je salue d’ailleurs ici tous les patriotes, qu’ils soient encore au PDG ou dans une autre forme d’opposition, qu’ils aient voté pour moi ou pas, car nous voulons en définitive la même chose avec peut-être des stratégies différentes.

J’invite donc tous ces patriotes à faire le saut qualitatif qui précède toujours le sursaut patriotique indispensable. Je leur demande de ne pas avoir peur de nous ; c’est ensemble que nous penserons les plaies d’hier, c’est aussi avec eux que nous referons le Gabon de nos rêves.

J’entends encore raisonner les sages paroles de Gandhi qui disait, je le cite : « quel que soit le livre sacré, pourvu que Dieu fût pleinement aimé ».

Et, inspiré par cette belle leçon finalement éternelle, je dis à mon tour à nos compatriotes diversement situés : quelle que soit votre stratégie du moment, quel que soit votre bord politique, pourvu que le Gabon, notre pays à tous, fût pleinement aimé.

Construire la Nouvelle République est de notre responsabilité commune. Nous avons le devoir de nous y engager face à la Patrie et pour les générations futures. Chacun d’entre vous doit pouvoir y contribuer pleinement.

Je souhaite que la Nouvelle République soit le reflet d’une société de justice et d’égalité des droits et des devoirs.

Si j’ai parlé des défis qui se présentent à nous, c’est parce que j’ai été au contact de la réalité de nos villages, cantons, villes, départements et provinces. J’ai touché du doigt leurs difficiles conditions de vie, leurs faibles moyens de subsistance, et leur organisation sociale séculaire. J’ai vu un pays fatigué, lassé par les dénis de droit et promesses non tenues.

J’ai apprécié la dignité et le courage des Gabonaises et des Gabonais face à l’injustice et à la corruption. J’ai entendu et je continue d’entendre les interrogations d’un peuple qui cherche à comprendre le sens du vote populaire.

Ma conviction est désormais faite : nos compatriotes n’en peuvent plus de ce régime dynastique et corrompu. Ils n’en veulent plus. Ils veulent en sortir définitivement.

Voilà pourquoi, nous devons transcender nos appartenances pour créer du lien et reconstruire notre vivre ensemble.

Mesdames et Messieurs,

Notre pays a des ressources, naturelles et humaines, pour faire face aux défis qui se présentent à lui. Ces ressources ne nous autorisent pas à nous résigner ou de continuer à subir. Elles nous obligent à faire face avec courage et détermination.

Si nous sommes convaincus d’être à l’orée d’une ère nouvelle, c’est parce que nous sommes restés unis et en phase avec le peuple. C’est aussi parce que les Gabonais eux-mêmes ont solennellement dit leur désir de tourner la page et d’en finir avec ces années de surplace.

Nous devons mener un combat de tous les instants. Oui, nous devons, chacun en ce qui le concerne, nous tenir debout et faire face en toute circonstance. Nous devons nous tenir debout pour notre pays. Et nous devons aussi nous tenir debout pour nos enfants et petits-enfants qui nous regardent et nous interrogent.

Devant vous et avec vous, je prends à nouveau l’engagement solennel d’être à l’avant-garde de ce combat. Je m’engage à me hisser à la hauteur de vos attentes et de vos espérances. Les jours qui viennent seront décisifs. Ils devront nous permettre d’impulser une dynamique victorieuse.

Nous devons affronter la difficile situation actuelle avec courage, méthode, détermination et dignité. Nous devons l’affronter en hommes et en femmes d’action.

Il ne s’agit plus de nous demander si nous parviendrons à mettre fin à cette imposture. Il s’agit désormais de nous interroger sur les voies et moyens de d’y mettre fin et de faire entrer notre pays dans la modernité.

La Dialogue National Pour l’Alternance n’est fermé à personne. Il n’est non plus dirigé contre personne. Il vise simplement à réfléchir aux fondements d’une société dynamique et solidaire, une société d’ouverture et de rassemblement. Nous devons porter nos idées au pouvoir. Elles doivent être mises en œuvre le plus vite. C’est essentiel et vital pour l’avenir de notre pays.

Bien entendu, vous me répondrez que nous sommes les otages d’un coup d’état militaro-électoral. Faudrait-il en conclure que l’alternance est désormais derrière nous ?

Pour répondre à cette question, je vous dirais que la conjoncture politique générale va dans notre sens. Le maintien au pouvoir de l’imposture actuelle ne peut prospérer car, le monde entier sait désormais ce qui s’est réellement passé. Il a en effet été pris la main dans le sac.

Nous ne sommes donc pas du tout en face d’une situation similaire 2009 quand certains pouvaient faire semblant d’ignorer la vérité.

Soyons clairs : je ne tire aucune conclusion facile de ces constats. Je dis tout simplement avec vous tous ici qu’Ali Bongo occupe illégitimement et illégalement la présidence de la République. Et que cette situation n’est tenable, ni pour lui, ni pour nous. Elle n’est surtout pas tenable pour le Gabon.

Je dis simplement que la configuration générale laisse la porte ouverte à tous les scénarii. Je dis que plus rien ne nous est interdit.

Voilà pourquoi, nous mettrons tout en œuvre pour faire respecter le droit du peuple gabonais à choisir librement ses dirigeants. A côté de l’action politique traditionnelle, nous devons expérimenter des nouveaux modes de combat.

Chacun à son niveau doit imaginer comment mieux utiliser ses prérogatives. C’est à cette entreprise que nous devons nous atteler pour redonner au vote tout son sens.

En cette période difficile, je vous demande d’avoir conscience que le peuple gabonais est, en dernier ressort, le seul maître de son destin. Je vous exhorte à être forts et courageux.

Je vous encourage à multiplier les fronts politiques, sociaux, économiques, juridiques et institutionnels. Ce n’est qu’ainsi que nous vaincrons. C’est parce que nous nous serons consacrés à la cause de votre pays et à celle de son peuple que 2016 ne sera pas 2009.

Certes, quand vous décidez de vous opposer à ce système, m’a-t-on prévenu, vous devez en même temps réserver votre caveau au cimetière. Peut-être que, comme mes frères, Pierre Louis AGONDJO-OKAWE, Joseph RENDJAMBE-ISSANI et mes amis Pierre MAMBOUNDOU et André MBA OBAME, je n’y arriverai pas. Mais si je devais les rejoindre brutalement, il ne faudrait pas vous arrêter sur mon corps, enjambez-le et continuer résolument le combat.

Messieurs les Présidents,

Mesdames et Messieurs,

Mes chers compatriotes,

Vous avez été conviés à ce dialogue national pour parler du Gabon, pour choisir ensemble notre destin, pour reconstruire notre pays abîmé par des personnes qui croient plus à l’argent du Gabon qu’au Gabon et aux Gabonais.

Nous serons peut-être amenés à nous battre et c’est peut-être l’ultime épreuve pour que la Nation gabonaise devienne enfin une réalité tangible, pour que le peuple gabonais assume pleinement ses responsabilités devant Dieu et devant l’Histoire.

Et croyez-moi, avec l’assistance du Très Haut et avec l’aide de nos ancêtres, ensemble nous vaincrons !

Ensemble nous libérerons le Gabon !

Ensemble nous libérerons la liberté !

C’est donc avec honneur et émotion que je déclare ouverts les travaux du Dialogue National pour l’Alternance.

Vive le Gabon éternel !

Que Dieu bénisse notre beau pays !

Que le Très Haut veille sur nos travaux et sur notre peuple uni !

Je vous remercie ! “


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