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Traduction française

 

« Ma peau noire dit que je n’ai pas ma place en Tunisie »

Par Sandrine Lungumbu - BBC World Service

 

 

Les femmes noires tunisiennes disent qu'elles subissent plus de racisme depuis que le président de ce pays a reprouvé les migrants subsahariens.

 

« En Tunisie, les gens remettent toujours en question le fait que je sois tunisienne », explique la militante Khawla Ksiksi, une citoyenne tunisienne noire.

 

En février, le président Kais Saied a ordonné des « mesures urgentes » contre les migrants subsahariens, les accusant d'un « complot criminel » visant à modifier la démographie et l'identité culturelle du pays.

 

Il a poursuivi en disant que l'immigration a pour origine un « désir de faire de la Tunisie juste un autre pays africain et non un membre du monde arabe et islamique ».

 

Il y a eu depuis une augmentation de la violence contre les migrants africains noirs, selon Human Rights Watch, et cette déclaration n'a fait qu'aggraver la situation des Tunisiens noirs, qui représentent entre 10 et 15% de la population tunisienne, selon les chiffres officiels.

 

Ce nombre comprend certains descendants d'esclaves d'Afrique subsaharienne - la traite négrière a été abolie en Tunisie il y a près de 180 ans - tandis que d'autres retracent leurs origines à beaucoup plus loin dans le temps.

 

Mme Ksiksi a déclaré à la BBC qu'elle se sentait invisible: « Parfois, je parle en arabe et ils répondent en français parce qu'ils ne veulent pas que je fasse partie de la Tunisie. »

 

L'arabe est la langue officielle de la Tunisie, mais Mme Ksiksi dit qu'elle est souvent rejetée quand elle le parle, parce que d'autres personnes ne veulent pas reconnaître un sentiment de connexion avec elle.

 

Bien que le français soit associé au privilège et à l'éducation, c'est aussi la langue des « étrangers », et donc quand les gens l'utilisent pour lui répondre, ils lui disent clairement qu'ils ne pensent pas qu'elle soit tunisienne.

 

Mme Ksiksi, cofondatrice du collectif La Voix des Femmes Tunisiennes Noires, veut remettre en question l'idée fausse selon laquelle les Tunisiennes noires n'existent pas.

 

« Je ressens un sentiment d'appartenance à la Tunisie même si elle est si violente envers moi [et les gens qui me ressemblent] », dit la jeune femme de 31 ans.

 

« Ils ne nous traitent pas comme des Tunisiens et ne se considèrent pas eux-mêmes comme des Africains. »

 

Elle soutient que malgré l'indépendance obtenue de la France en 1956, les Tunisiens veulent être considérés comme appartenant à l'Europe, et le point de vue colonial selon lequel les Tunisiens noirs sont « sales et impurs » persiste.

 

« C'est pourquoi nous avons une énorme crise d'identité en Tunisie. Nous avons l'indépendance sur le papier, mais la politique coloniale est toujours là. »

 

Le manque de représentation noire dans les milieux de pouvoir social et politique, pense-t-elle, renforce l'idée qu'il n'y a pas de citoyens tunisiens noirs.

 

« Ma couleur de peau dit que je n’ai pas ma place ici, donc en tant que Tunisiens noirs, nous devons constamment prouver que nous existons », dit Mme Ksiksi.

 

Pour les femmes noires, c'est encore plus difficile, ajoute-t-elle : « À l'école, je devais toujours avoir les meilleures notes parce que tous les professeurs pensaient que je tricherais parce que dans leur esprit, les Noirs ne sont pas très intelligents. »

 

La militante dit qu'elle a eu les ressources financières pour obtenir une bonne éducation, mais ce privilège a souvent fait qu’elle soit isolée: « Le fait que vous soyez toujours la seule personne noire dans la salle vous fait vous sentir exclue et seule.

 

« J'ai toujours l'impression que tout est blanc autour de moi et que je suis la tache noire. »

 

Comme Mme Ksiksi, Houda Mzioudet dit que le problème est que la société tunisienne a été construite sur la base d’une « nation homogénéisée » qui ne permet pas de discussion sur le racisme.

 

« Ce qui est beaucoup plus violent en Tunisie, ce n'est pas le racisme lui-même, mais le déni du racisme, où l'on vous refuse votre propre expérience horrible du racisme », explique le chercheur universitaire et conférencière de 46 ans.

 

En réponse aux déclarations du président, certaines femmes tunisiennes noires, dont Mme Mzioudet, commencèrent le mouvement « avoir mes papiers sur moi au cas où » sur Facebook.

 

Ils portaient leurs passeports et leurs cartes d'identité visiblement sur leurs vêtements pour montrer qu'ils étaient tunisiens mais aussi en solidarité avec les migrants.

 

Mme Mzioudet est née dans la capitale, Tunis, mais elle a grandi dans le sud du pays où elle a été témoin d'une « forme de facto esclavage et d'apartheid » dans les années 1980.

 

La traite négrière, qui impliquait la vente d'Africains noirs, a été abolie en Tunisie en 1846, mais son héritage perdure.

 

« Il y a eu une continuation de l'esclavage domestique, bien qu'ils n'appellent plus les Noirs des esclaves mais plutôt des serviteurs – d'où le mot arabe tunisien pour désigner une personne noire est 'wessif' qui signifie 'serviteur' », dit Mme Mzioudet.

 

Malgré son milieu social privilégié, elle a découvert à l'école que les attentes professionnelles des femmes noires avaient tendance à être des choses comme danser ou chanter - « ou quelque chose comme la prostitution ».

 

« Ayant grandi dans un environnement où les femmes noires ont toujours été objectivées et sexualisées, il m'a été très difficile de m'émanciper de cette image », dit-elle.

 

Pour Mme Mzioudet, les déclarations du président sur les migrants subsahariens ont été une réaction contre le Printemps arabe et ce qu'il représentait pour les Tunisiens noirs.

 

En 2011, L’ancien président Zine al-Abidine Ben Ali avait fui le pays suite à une vague de manifestations populaires sans précédent. L'introduction subséquente de la démocratie après des décennies de dictature a créé une opportunité pour les Tunisiens noirs d'être visibles dans la société.

 

Les Tunisiens noirs ont commencé à exiger plus d'égalité de traitement et Mme Mzioudet s'est sentie plus à l'aise de se décrire comme noire.

 

En 2018, la Tunisie a adopté une loi historique visant à criminaliser la discrimination raciale, en particulier le racisme anti-noir contre les Tunisiens noirs et les migrants africains noirs. Il est devenu le premier pays de la région arabe à ériger en infraction pénale la discrimination fondée spécifiquement sur la race.

 

Mme Ksiksi et Mme Mzioudet affirment toutes deux que malgré ces lois, le gouvernement a permis à la discrimination et aux inégalités auxquelles sont confrontés les Tunisiens noirs de prospérer.

 

En février, des centaines de personnes sont descendues dans les rues de Tunis pour soutenir les migrants africains noirs et les Tunisiens noirs, un signe positif qu'il y ait de l'espoir que la jeune génération veuille voir le changement, dit Mme Mzioudet.

 

« J'ai été émue aux larmes d'assister à l'une des plus grandes marches ayant jamais eu lieu au centre-ville de Tunis, avec une participation composée principalement de Tunisiens non Noirs qui disaient que la vie des Noirs comptait », dit-elle.

 

« Et ce n'est pas une question noire mais une question de droits de l'homme. »

Comments

  1. La population GABONAISE est la plus XÉNOPHILE au MONDE.
    Ceux qui disent le contraire sont dans l'inversion accusatoire.
    Et je pense à la récente sortie TV des imams gabonais où cette inversions accusatoire pour des intrigues d'égo au sein de leur communauté a été utilisé par l'imam gabonais M MBADINGA.
    M FOUMBOULA a fait une publication sur "La notion de la nationalité Gabonaise" diffusée par KOBOLO GABON qui met en brèche ces accusations.
    Les GABONAISES sont XÉNOPHILES.

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