ET C’EST REPARTI DE PLUS BELLE POUR LE MENSONGE DE LA « DÉMOCRATIE » GABONAISE
C’EST Ruben Um Nyobe qui écrivait en 1957, dans Inter-Afrique Presse, à la page 7 : « Une assemblée ne devient fantoche que dans la mesure où la totalité ou la majorité de ses membres ont été élus au moyens de fraudes, pressions, corruption, etc. » Avec la rentrée parlementaire ce jour au Gabon, nous avons encore écouté des gens comme Rogombe et Nzouba-Ndama se congratuler et nous dire combien ils considéraient que « la démocratie gabonaise a fait des progrès significatifs ». On a presqu’envie de rire ! Cette déclaration d'autosatisfaction, reprise en cœur par tous les médias officiels, résume parfaitement le message que nos parlements sont censés faire passer ; pourtant la vérité est plus cruelle pour notre pauvre Gabon, et cette vérité s’inscrit dans la phrase de Um Nyobe, qui aurait qualifié d’office nos deux chambres parlementaires de fantoches.
1. L’excuse de la « jeunesse » ne tient pas.
Quand on expose aux émergents les carences de leur fameuse « démocratie transparente », de leur fameuse cour constitutionnelle et de leur fameuse CENAP, on entend souvent la rengaine suivante: «certes notre régime ne correspond pas tout à fait aux normes démocratiques internationales, certes il y a eu quelques irrégularités lors du processus électoral, mais il faut être indulgent envers une si jeune démocratie. » Et ça dure depuis toujours. Les élections législatives partielles de Juin dernier et les nationales qui auront lieu en 2011, auraient du être tenues de renouveler la majeure partie des élites dirigeantes du pays, mais le déroulement des élections de Juin et celles qui les ont précédées n'ont fait que confirmer le caractère antidémocratique de l’appareil électoral au Gabon. Ils disent aussi souvent que comparé à nos voisins qui ont des régimes antidémocratiques notoires, notre transition politique est un succès: des élections au suffrage universel, un système pluripartiste, des observateurs internationaux présents sur le terrain... Entre les lignes il faut donc comprendre que tout ceci est fait en trompe l’œil. Mais derrière cette vitrine sans tain, la réalité est tout autre. La verite est qu’au Gabon, nous vivons dans un féodalisme moderne, dans une dictature clanique. Le modèle politique gabonais reste un régime autoritaire qui ne veut pas dire son nom. Déjà, lors de l'élection présidentielle d’aout 2009, la supercherie était tellement grossière qu'elle était une insulte aux électeurs crédules qui s'étaient rendus aux urnes.
2. A la veille des élections parlementaires, le bilan du gouvernement reste désastreux, mais la victoire lui est acquise.
Malgré le tapage des émergents, il demeure que la majorité du peuple gabonais vit dans une situation de crise économique, que le régime Bongo reste celui ou les pratiques de corruption et de népotisme généralisées sont endémiques comme en témoignent les nominations ministérielles dont nous avons déjà parlées. Dans ce Gabon des Bongo, l’hypothèque du service public, en particulier l'éducation, la santé, les finances, reste entière ; la paupérisation d'une grande partie de la société ne fait que s’accroitre. Et pourtant, dans un tel contexte, on va nous dire que le PDG va gagner 80% des sièges parlementaires. Pour les législatives, on va encore assister à l’entreprenariat politique, c'est-à-dire la montée de partis créés en fait de toutes pièces par les autorités pour compléter leur pourcentage de voix et donner l’impression de pluralisme politique par la représentation parlementaire. Quant aux véritables partis d'opposition, ceux qui seraient susceptibles de critiquer vivement la politique du régime, ils n’obtiendront pas grand-chose, que des miettes. Un siège ou deux, sans plus. D'élections en élections, la stratégie présidentielle est claire: garder, à l'intérieur même du jeu démocratique, un contrôle maximal du processus électoral. A tous les niveaux, les cartes sont brouillées, et les pratiques autoritaires se mêlent savamment à l'exercice de la liberté. Certes, les médias existent et peuvent être libres en apparence, les critiques du gouvernement dans la presse écrite tout au moins, ne sont pas rares; et à la veille des élections, un grand débat télévisé donnera même la parole à tous les chefs de parti. Mais le déséquilibre n'en est pas moins flagrant entre les médias pro-présidentiels, c'est-à-dire la quasi totalité des chaînes de télévision et la plus grande partie de la presse écrite et des radios ; et les médias indépendants. Les quelques journaux d'opposition, au tirage déjà limité, subissent un harcèlement permanent des autorités (perquisitions, réticence des imprimeries, poursuites judiciaires, suspensions des publications...). Certes, le choix des électeurs est théoriquement libre, en dernier ressort. Mais c'est compter sans le poids des manipulations en amont, des pressions: dans des corps d'administration entiers, on impose des consignes de vote. C'est particulièrement vrai dans les provinces, où les gouverneurs ont des moyens de pression immenses, puisqu'ils font et défont toutes les carrières au niveau local, non seulement dans les administrations, la justice, mais aussi, indirectement, dans les entreprises, etc. Le respect traditionnel de l'autorité dans la psychologie nationale fait le reste. Autre pratique courante, le rachat en douceur des opposants politiques. Les leaders « charismatiques » de l'opposition dans les années quatre-vingt-dix, sont pour la plupart aujourd'hui...dans le giron du pouvoir, et leur discours politique semble désormais singulièrement fade.
3. Des résultats électoraux sur commande
Enfin, peut-on parler de démocratie lorsque l'organe garant de la légalité et de la liberté des élections, la Commission nationale électorale, est nommée...par le pouvoir exécutif? Autrement dit, le dépouillement des urnes, la centralisation des résultats, sont, dans une certaine mesure, dans les mains des autorités. C'est ainsi que toutes les élections au Gabon ont été marquées par des infractions invraisemblables aux règles électorales, dont une partie de la presse s'est fait l'écho: bourrages d'urnes, coupures d'électricité pendant le vote, bulletins pré-remplis avant l'ouverture des bureaux, falsification des listes d'électeurs, procès-verbaux de résultats recopiés au crayon à papier... Mais, à jusqu'à ce jour à une ou deux exceptions près, aucun résultat final n'a jamais été invalidé par la Commission. La comédie a même pris parfois des allures de roman policier. Dans la ville de Ntoum, des membres de l'opposition avaient pu intercepter des lots de cartes nationales d’identité délivrées dans un commissariat de police fictif. Mais cette « découverte » n’a pas du tout ému Mborantsuo, qui a purement et simplement validé l’élection.
Alors que peut-on penser d’un parlement sorti de telles élections ? Ces parlements fantoches permettent au pouvoir de pouvoir continuer à gouverner sans conteste. L'opposition, quant à elle, devrait savoir qu’elle est complètement écartée du pouvoir et que ce n’est pas en allant s’assoir dans un parlement contrôle à 80% par le PDG qu’elle pourra contribuer à quoi que ce soit dans l’amélioration de la vie des gabonais. Il faut trouver des alternatives et briser ce statu quo.
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