ESSAI SUR LA SITUATION Á LAMBARÉNÉ
Nous avons reçu un volume assez considérable de mèls nous demandant de nous prononcer sur les récents évènements à Lambaréné, où le maire de cette commune a du démissionner suite à un conflit communautaire qui prenait bêtement et fâcheusement les contours d’un potentiel affrontement ethnique. Comme vous le savez, chers lecteurs, ce blog reste persuadé que la langue de bois n’aide personne, c’est pourquoi nous vous proposons dans ce billet notre analyse de cette situation, comme nous l’ont demandé plusieurs d’entre vous.
1. Un affrontement, même potentiel, entre communautés est toujours le signe d’une faillite des autorités étatiques.
Le peuple parfait n’existe pas. En fait, sur ce point, un peuple est inqualifiable, car on ne peut pas dire qu’il soit bon, mauvais, intelligent ou nul. Les individus peuvent être qualifiés, mais pas un peuple. Autant un simple individu est capable de tout en bien ou en mal, autant une masse d’individus est capable du pire (pogroms et génocides envers d’autres humains) comme du meilleur (grande compassion envers d’autres humains). Tout dépend des circonstances dans lesquelles les individus qui forment la communauté en question, se trouvent. Le Gabon est à la fois un pays multiethnique et une société multiculturelle. Si une province comme le Woleu-Ntem est quasi mono-ethnique, le Moyen-Ogooué, en revanche et Lambaréné, sont aussi bien multiethniques que multiculturelles. Il ne faut pas se cacher derrière une unité nationale de façade, pour comprendre qu’au Gabon en général et dans le Moyen-Ogooué en particulier, les rapports politiques sont organisés le long de lignes ethniques malheureusement instables. Dans un contexte comme celui de Lambaréné, dont il est question ici, mais qui peut s’appliquer presque partout au Gabon, les relations sociales et la proportion et distribution des rôles sociopolitiques sont toujours soumis à des filtres ethniques. C’est ainsi que si un membre ou des membres d’un groupe ethnique donné, gagne(nt) un statut d’influence de par une préférence selon le principe de la géopolitique pratiquée au Gabon, ou de par leur majorité démographique, cet état de fait aura forcément pour conséquence l’aliénation des autres groupes ethniques, qui se sentiront lésés. C’est ainsi que nous voyons apparaitre une situation permanente de siège, où si un Fang est maire de Libreville ou Lambaréné, les Miène se sentiront exclus et vice versa. Pour palier à cette recette difficilement gérable sur le plan social, les Bongo utilisent le système des rotations entre les communautés. Mais ce système est encore plus problématique, car lorsqu’il ya changement d’ethnie à la tête, c’est pratiquement toute l’administration qui est virée car il faut que le nouveau responsable place ses « parents ». Nous avons donc le chaos actuel où l’on ne voit pas des hommes et des femmes en face, mais des représentants de tel ou tel groupe ethnique. C’est pourquoi nous pensons que la responsabilité des gouvernants du Gabon est grande, dans ce qui se passe à Lambaréné ces derniers temps ; et il nous apparait inutile d’accuser deux communautés ethniques qui n’ont fait que réagir devant ce qu’on leur a présenté comme des situations « critiques » pour leurs ressortissants. Non, chers lecteurs, le drame n’est pas que des Fang et des Galoa aient failli se découper à la machette, ou se tirer dessus au calibre-12 ; le drame, à notre humble avis, est que ce presqu’affrontement ne soit que l’expression des effets pervers d’un type de gouvernance qui nous maintienne dans le sous développement. Si nous voulons sortir des sentiers battus de ce genre de risques de confrontation ethnique, il nous faut un peuple conscient, civique, travailleur, et qui apprenne à agir dans l'intérêt général. Mais ce peuple là, où allons-nous le trouver? Ce que nous voulons dire, chers lecteurs, est qu’il n'y a pas de génération spontanée, et que c'est ce même peuple dont nous pouvons décrier les tares aujourd’hui, qu'il nous faut aider à s’affranchir des chaines qui le retiennent. Les moyens pour parvenir à raffiner ce peuple, notre peuple, sont nombreux : l'éducation c'est à dire la lutte contre l'analphabétisme et surtout l’illettrisme ou le mal-lettrisme (ceux qui savent à peine raisonner car n'ayant pas eu un cursus scolaire adéquat). C’est sur ce point que les autorités gabonaises sont le plus démissionnaires.
2. Une culture civique et démocratique crédible
Un examen de la situation de Lambaréné vous renvoi automatiquement aux rivalités politiques sous-jacentes. Quand une communauté attaque une mairie, qui est un bien commun, tout en tenant un discours d’injure à la communauté dont ce maire est originaire et qu’en réponse la communauté dudit maire doit venir protéger les installations de la mairie, avec des fusils, et en renvoyant des injures à la première communauté, il est évident que la promotion d’un civisme crédible doit se faire et ce au plus vite. On peut aussi se demander où étaient les forces de l’ordre sensées maintenir la paix civile dans ce genre de circonstances? Tout porte donc à croire que ce malheureux épisode qui aurait pu dégénérer, ait été prémédité à des fins politiciennes qui certainement s’expliquent par les guerres de leadership locales et PDGistes. Mais pour éviter que les politiciens continuent de jouer sur les fléaux de l'ethnocentrisme et du népotisme, il va falloir travailler à inculquer une culture du mérite, du résultat, à nos populations. Ici nous parlons d’une vraie culture du développement et non des bricolages d’Ali Bongo. Il faut aider nos populations à se libérer des maux du griotisme, qui par exemple rend la RTG1 irregardable. Il faut encourager nos populations à développer l’esprit critique, c'est-à-dire lire et écouter quelque chose plusieurs fois, faire une analyse afin d'en déceler les failles et tirer les conclusions. Ce n’est qu’à ce prix que nous éviterons les types d’errements inhérents à l'homme incivique, que nous observons à Lambaréné. Si l’esprit critique avait prévalu, nous restons d’avis que les gens qui ont voulu agresser le maire de Lambaréné ne l’aurait jamais fait. C'est pourquoi pour sortir du chaos, il faut que l'école gratuite, accessible, excellente et obligatoire ne soit pas un simple slogan (qu’ils sont nombreux ces slogans), mais qu'elle soit réellement applicable dans notre pays, afin de permettre à plus de monde de pouvoir mieux juger les situations qui se présentent à eux. L'école et la formation permettra aux gabonais de comprendre que chanter les louanges d'un chef, fut-il d’état, ne soit pas la solution de nos problèmes. Qu’il faille apprendre à applaudir quand le travail est bien fait, et dénoncer et obliger le chef à bien faire, quand le travail est mal fait. Et ce, sans distinction d'ethnie, de classe sociale, de région, etc.
Chers lecteurs, nous vous disons sans langue de bois aucune, et ce depuis un certain temps, que vous percevons au Gabon, un glissement vers une situation « à l’ivoirienne ». Nous ne vous le disons pas à la légère, car notre pays le Gabon file un très mauvais coton social par les temps qui courent. Les tensions sous jacentes sont là, à fleur de peau. Il suffit souvent d’un rien pour les activer, et les autorités laissent faire car ces conflits potentiels arrangent leur consolidation du pouvoir. Ces tensions ethniques sont avivées par la juxtaposition entre groupes linguistiques, culturels et régionaux, qui se retrouvent confrontés à la distribution inégale du pouvoir politique et social. Une division régionale que le pouvoir veut voir entre le nord plus dissident et un sud qui lui serait acquis. Pour réussir ce coup, il faut créer des extrémismes qui engendreront la peur et renforceront les clivages entre les communautés ethniques. Cette méthode de division est aussi vieille que le monde. Seul un peuple éduqué et comprenant les enjeux, peut la déjouer. Nous ne sommes malheureusement pas convaincus que les gabonais aient aujourd’hui, suffisamment de recul collectif pour éviter ce glissement. Nous félicitons les membres des communautés Galoa et Fang qui ont travaillé à désamorcer la bombe à Lambaréné. Mais qu’arrivera t-il la prochaine fois, et quelles seront les communautés qui s’affronteront ? D’ici là, que fait-on ?
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