POURQUOI LA COMPARAISON IVOIRIENNE MET Á MAL LE POUVOIR BONGO ?
Malgré toutes les tentatives maladroites effectuées par le pouvoir Bongo pour se démarquer de la comparaison ivoirienne, une analyse simple de l’évolution des deux pays et de leur situation politique de l’heure permet d’arriver à un parallélisme, où la seule différence fondamentale est la manifestation des forces en présence sur le terrain. En Côte d’Ivoire, nous observons que les forces en présence, après une évolution séquentielle et évènementielle qui a conduit le pays à la partition, sont désormais dans une posture de belligérance très profonde, qui sera difficile à désamorcer. Au Gabon, nous assistons à un cheminement graduel, pas à pas, vers une situation similaire, si rien n’est fait pour corriger le tir. Nous assistons à une progression psychologique qui va inévitablement mener à la formation de blocs quasi étanches entre ceux qui seraient pour l’approbation du pouvoir monarchique, et ceux qui ne le consentirons jamais. En d’autres termes, le pouvoir monarchique risque d’être le catalyseur d’une réaction de cristallisation des positions des gabonais sur des rigidités non négociables et difficilement réconciliables. Nous sommes d’avis que le Gabon soit seulement au début du processus qu’a connu la Côte d’Ivoire ; dérive dont les tenants actuels du pouvoir au Gabon, dans toute leur arrogance, ont tort de se croire à l’abri. La différence fondamentale est que la Côte d’Ivoire est à l’aboutissement et le Gabon n’est qu’au départ de ce parallélisme. Tous les signes sont pourtant là pour qui se donne la peine de regarder, d’observer, et de poser les bonnes questions.
1. Le pouvoir monarchique au Gabon est un déclic, au même titre que l’ivoirité
De même que certains voyaient, à tort, au plus fort du débat ivoirien sur le concept de l’ivoirité vers la fin des années 90s, la simple expression de la rivalité entre présidentiables, on retrouve la même désinvolture dans certaines analyses gabonaises d’aujourd’hui qui semblent estimer que les soubresauts que connait notre pays à l’heure actuelle, ne sont que le fait de rivalités politiciennes pour le pouvoir. Ce blog voudrait se démarquer de ce simplisme, car les gabonais qui tiennent cette analyse sont en train de faire la même erreur que firent naguère certains de nos frères ivoiriens qui refusaient de voire qu’un phénomène que nous allons appeler « tectonique des plaques sociétales » se produisait au sein de leur société centimètre par centimètre, et quand ils se sont réveillés, les plaques en mouvement étaient à des centaines de kilomètres les unes des autres et il était trop tard pour éviter le pire. Sur ce blog, nous pensons, et croyons être dans le vrai, que suite à la prise du pouvoir par le fils d’Omar Bongo dans les conditions rocambolesques que l’on sait, quelque chose de profond s’est brisée dans le corps collectif des gabonais. Nous n’avons pas encore conscience de la gravité de cette fracture, mais à terme et avec les évènements, elle se manifestera comme cela n’a pas manqué de se produire en Côte d’Ivoire. Tous les gabonais de bonne foi vous le diront, même la RTG1 et L’Union, l’expriment de temps en temps (c’est vous dire !), la cohésion nationale, et le socle social, au Gabon, sont malades et nonchalants aujourd’hui. Nous ne dirons pas que le Gabon se portait à merveille hier, non, loin de là. Ce que nous dirons est qu’hier, les gabonais contemplaient la fin du régime Bongo père, comme l’occasion d’une régénérescence, d’une purification vers l’élaboration d’un autre contact social et politique. Mais Ali Bongo prit le pouvoir et ce, en dépit de ce que nous croyons être un rejet national. Aujourd’hui, comme groggy, les gabonais ne savent plus quel repère suivre, conscients qu’ils sont de leur inexorable enfermement dans un cocon dynastique. Dans ce genre de circonstance, il y a danger car quand il n’y a plus de repères, tous les excès sont permis.
2. Les risques de la fin du mythe démocratique
Les disputes post électorales ne sont pas une originalité africaine, ivoirienne ou gabonaise. Même dans les régimes et pays dits les plus démocratiques, cela fait partie des règles du jeu, comme nous l’avons vu entre Georges Bush et Al Gore en l’an 2000, pour ne citer que cet exemple. Mais ce qui est important, ce sont les mécanismes qui permettent de résorber ces situations et contribuer à faire croître le crédit des populations envers les institutions d’état en charge de la gestion des antagonismes électoraux et de leurs corollaires. Quand on regarde les situations de la Côte d’Ivoire et du Gabon, on s’aperçoit que dans les deux pays, il y a eu dispute à propos de résultats finaux des élections. En Côte d’Ivoire, les 2 candidats du second tour se sont déclarés élus, et au Gabon, les 3 premiers candidats se sont déclarés élus. Jusqu’ici le parallélisme tient. Mais la divergence première intervient dans les réactions des puissances régionales et internationales face aux situations des deux pays. Dans le cas de la CI, c’est la levée des boucliers, il faut que Gbagbo respecte la décision du « peuple ». Pour le Gabon, c’est le silence, Sarkozy a même reconnu Ali Bongo avant que la cour constitutionnelle du Gabon ne le proclame « élu ». L’observateur gabonais moyen se dit : « mais attendez, Sarkozy et ses amis qui ont couru féliciter Bongo et distribuer des légions d’honneurs aux Rogombé et Mborantsuo, malgré les preuves de fraudes et de chiffres fictifs au vu de la démographie régionale du Gabon, veulent demander à Gbagbo de respecter la volonté populaire ! ». Pourquoi l’argument utilisé pour mettre la pression sur Gbagbo n’est plus valable au même escient au Gabon pour Bongo ? Nous pensons que bien des gabonais se font leur petite idée sur les raisons de cette dichotomie qui veuille que malgré un parallélisme sur le terrain des revendications électorales, le Gabon et la Côte d’Ivoire, soient traités de manière disparates quand il s’agit d’entériner ou non l’élection présidentielle. Dans ces circonstances, on ne peut pas demander aux gabonais et ivoiriens de croire en la bonne foi des « partenaires » de la communauté internationale quand ils plaident, dans les grand fora internationaux, pour la démocratie en Afrique, si cette démocratie sera évaluée de manière relative aux contributions de certains candidats africains dans les campagnes des partis politiques occidentaux, pour ne parler que de cette allusion. Les gabonais et ivoiriens, ainsi que tous les africains, voient de manière claire la collusion qui existe entre la sympathie militante d’une certaine « communauté internationale », envers un candidat donné, et la disponibilité de ce candidat à user de sa fortune pour graisser la patte à qui de droit. Et ce de manière direct, ou indirect par l’attribution de contrat etc.
Ceux qui tirent les ficelles, ou qui pensent qu’ils doivent tirer les ficelles, devraient savoir que les africains, ivoiriens et gabonais voient clairement dans leur jeu, et ce depuis le génocide rwandais, en passant par la guerre civile au Congo-Brazzaville, la partition de la Côte d’Ivoire, la prise du pouvoir par Faure Gnassingbé au Togo, et la prise du pouvoir par Ali Bongo au Gabon. Les gens sont murs et intelligents. Ils savent aussi qu’une fois au pouvoir, ceux qui y arrivent en dépit de la volonté populaire, n’ont jamais l’intention de le céder. C’est pourquoi ils modifient la constitution pour que la concentration des pouvoirs soit encore plus grande entre les mains d’un tout petit nombre de fidèles. En refusant aux gabonais ce qu’on exige aux ivoiriens, le message à retenir est qu’il soit plus important de contrôler les forces de sécurité et les finances du pays, que d’obtenir l’assentiment de sa population. Ce message les gabonais le reçoivent 5 sur 5, même si c’est le message que le pouvoir Bongo veut masquer en nous faisant un cirque autour d’une avalanche d’effet d’annonces dont personne ne prête, du reste, plus attention ; sauf les quelques irréductibles dont le gagne pain dépend du dithyrambisme. Les conséquences de la dérive actuelle au Gabon apparaîtront à termes, car il n’y a pas de vérité que le temps ne révèle.
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