WHAT ENGLISH FOREIGN AFFAIRS THOUGHT OF GABON, IN 1964! CE QUE PENSAIENT LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ANGLAISES DU GABON, EN 1964!
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Traduction française
Le nouveau rôle de la France en Afrique
Les observateurs du gaullisme constatent
actuellement ce qui semble être des changements très considérables dans la
politique du Général à l'égard de l'Afrique, en particulier envers les États ayant
succédé à l'empire colonial français. Comme est le cas d’une grande partie de
la réflexion et des déclarations publiques du Général, une exégèse sans fin est
possible, et seuls les rares événements dramatiques, tels que le coup d'État
avorté au Gabon en février dernier, peuvent donner une orientation claire du
nouveau rôle en Afrique que de Gaulle cherche à créer pour son pays. Néanmoins,
il y a quelques indices sur la manière dont la France cherche à se dégager de sa
position particulière en Afrique qui a commencé avec Jules Ferry et a traversé
l'Empire français, l'Union française, la Communauté et l'Union Africaine et
Malgache, et de prendre une nouvelle position où l'Afrique, même les parties
francophones, s'inscrira dans les attributs politiques, économiques et
stratégiques mondiaux que développe le Général.
Le cas du Gabon
La nouvelle approche est flexible, avec des
signes suffisamment opportunistes pour suggérer que la politique française en
Afrique, comme ailleurs, repose beaucoup plus sur des intérêts français directs
que sur la mission mondiale que de Gaulle tient à proposer. Le Gabon en est un
bon exemple. La révolte militaire contre le Président M'ba a été réprimée
presque par réflexe pour défendre les intérêts économiques français très
considérables dans un pays riche dont le revenu par tête est parmi les plus
élevés d'Afrique. Il semble maintenant que de Gaulle estimerait qu'il se soit
trompé - que la révolution aurait pu avoir lieu en toute sécurité, et que M.
Jean-Hilaire Aubame, en remplacement de M. M'ba, aurait pu fournir une plus
grande stabilité, et la respectabilité d'un régime basé sur un soulèvement
populaire. Il y a des rapports bien fondés à Paris qui disent que le prochain
bouleversement au Gabon risquerait de réussir. Le Gabon a marqué un tournant,
car il a clairement montré que la question de savoir s'il fallait ou non
intervenir dans les crises africaines est aujourd'hui résolue en termes
d'intérêts purement français. Les excuses publiques qui ont suivi les
événements du Gabon ont été très inacceptables pour de nombreux Chefs d'État Africains,
très soucieux de montrer que leurs liens avec la France (voire leur place au
sein de l'Organisation de l'Unité Africaine) ne sont pas, en fait qu’une alliance
dont le rôle est de les maintenir au pouvoir, mais un honorable partenariat qui
les aideraient à développer leurs nations. De nombreux observateurs français,
même parmi les amis de de Gaulle, estiment qu'il aurait tout aussi bien pu
prendre la position que l'Afrique équatoriale était une région instable du
monde dans laquelle la France avait des responsabilités particulières, et qu'il
était intolérable que, dans un pays comme le Gabon, une armée de quelques
centaines d'hommes soit autorisée à décider qui doit régner. C'est un argument
qui peut résister à de nombreux examens. Au lieu de cela, l'annonce du
gouvernement français a énuméré les interventions françaises dans d'autres
parties de l'Afrique, dont la plupart ont été démenties avec indignation par
les pays en question.
Dans tout ceci, la doctrine soigneusement
élaborée par le Quai d'Orsay, selon laquelle la politique française devait distinguer
les soulèvements ayant un véritable soutien populaire, dans lesquels
l'intervention était inadmissible, et les troubles purement militaires, voire
criminels, contre lesquels une action de type `` policier '' était justifiée, a
complètement été abandonnée. Depuis l'avènement de de Gaulle, le ministère français
des Affaires Etrangères a de plus en plus l'air d'une organisation académique
expliquant, après coup, la logique d'une politique qu'elle ne maitrise pas
vraiment et sur laquelle elle n'a jamais été consultée. En effet, lors des
événements du Gabon, le Quai semblait n'avoir aucune idée de ce qui se passait
et la politique africaine était comme d'habitude entre les mains de M. Foccart,
le Secrétaire Général aux Affaires Africaines de la présidence.
Il est à noter que l'argument des sphères de
responsabilité a actuellement une bien plus grande validité en Afrique qu'en
Europe ou ailleurs, et est une ligne sur laquelle les relations extérieures du
continent pourraient bien se baser au cours de la prochaine décennie.
Politiquement, «l'État» en Afrique a vu le jour avant la «Nation», alors que
l'inverse fut le cas en Europe. La conséquence sera probablement une
instabilité explosive, dans laquelle naitront beaucoup plus de rivalités que la
simple dualite Est-Ouest. De plus, la réémergence d'un modèle précolonial de
relations commerciales et la refonte des liens économiques de toutes sortes
avec les anciennes puissances coloniales, sont susceptibles de conduire à une
nouvelle forme d’intervention extérieure qui sera inévitable pour presque tous
les pays africains.
L'incapacité du gouvernement français à
mettre en avant la base légaliste parfaitement solide de son intervention au
Gabon a peut-être été la preuve la plus frappante du changement de la pensée
française sur l'Afrique. Après l'indépendance, la France a conclu des accords
militaires avec ses anciennes colonies couvrant, entre autres, les questions de
l'aide militaire et de la coopération. Ceux-ci sont souvent peu clairs dans ce
qu’ils couvrent, mais celui du 17 août 1960, avec le Gabon, dispose que :
Si la défense, tant intérieure qu'extérieure,
du Gabon dépend de la seule République gabonaise, celle-ci peut, avec l'accord
de la République française, faire appel aux forces armées françaises pour sa
défense intérieure ou extérieure.
Au lieu de cela, le ministre français de
l'Information, M. Peyrefitte (et non le ministère des Affaires étrangères), a
évoqué des cas d'action militaire française ces derniers mois pour aider les
gouvernements d'autres pays africains. Deux des chefs d'État concernés, M.
François Tombalbaye du Tchad et M. Mokhtar ould Daddah de Mauritanie, ont
publié des démentis musclés. En premier lieu, aucun des deux ne souhaitait être
associé dans l'esprit des Africains, à l'incident clair du Gabon, largement
considéré sur le continent comme l'utilisation d’une force extérieure pour
maintenir au pouvoir l'un des dirigeants les plus autoritaires d'Afrique. Et le
président mauritanien, toujours très préoccupé par l'affirmation de la
souveraineté de son gouvernement sur un pays que le Maroc revendique comme
faisant partie de son territoire, est évidemment préoccupé par la publication
de toute évidence tendant à démontrer que son gouvernement ne peut être à la
hauteur de la définition d’un Etat tel que le décrit le droit international,
dont l'un des éléments est « le maintien de l'ordre public sur son territoire ».
Le coup d'État au Gabon intéressait également
directement les pays où se rencontrent jungle et désert, Afrique «noire» et
«blanche», notamment le Tchad et la République du Niger. Ces pays, en
particulier le Tchad, font face à une opposition touareg ou musulmane, dont le
point de vue fondamental, même s’il est rarement exprimé, est que, bien qu'ils
aient été disposés à être gouvernés par des Français blancs (même si pendant
les années de gouvernance française la paix était souvent précaire), la gouvernance
par des nègres est inacceptable. Alors que l'homme blanc se retire de l'Afrique,
il laisse derrière lui les frontières artificielles créées il y a un peu plus
d'un demi-siècle et, en leur sein, une résurgence de nombre des problèmes
ethniques fondamentaux et autres problèmes imposés aux africains. Les
structures des jeunes Etats contenus à l'intérieur de ces frontières sont
certainement trop fragiles pour qu'ils puissent faire face tous seuls à ces problèmes
; l'action française est souvent la bienvenue, mais la règle du jeu est qu'elle
devrait être beaucoup plus discrète qu’elle ne l’a été au Gabon.
La nouvelle place de l'Afrique dans la pensée
française
Politiquement, économiquement et
stratégiquement, la nouvelle place de l'Afrique dans les politiques globales
françaises est en cours d'élaboration. Tout d'abord, l'aspect politique. Depuis
le retour au pouvoir du Général de Gaulle en 1958, toute la base de la
politique française a été la renaissance de la France en tant que puissance
mondiale, avec des responsabilités mondiales et des ambitions mondiales.
L’Afrique n’est importante pour le Général que dans la mesure où elle s’inscrit
dans ce plan, et toutes les preuves montrent qu’elle s’y adapte de moins en
moins. Elle semble également être moins nécessaire aux ambitions françaises.
Jusqu'à l'indépendance de l'Algérie, la France avait une position vitale à
défendre aux Nations Unies, pour laquelle les voix africaines étaient
nécessaires. Il n'y a plus de tels problèmes maintenant. Plus important encore
est l'émergence rapide dans le monde d'une présence diplomatique africaine et
la tendance croissante et naturelle des jeunes Etats africains francophones à
renforcer leurs liens avec leurs voisins et à desserrer ceux avec la France. Une
Organisation de l'Unité Africaine forte et active sapera inévitablement le
cadre dans lequel des liens privilégiés entre la France et ses anciennes
colonies seraient possibles. Aucun pays fortement dépendant d'une puissance
extra-africaine (que ce soit la France, la Grande-Bretagne, les États-Unis,
l'Union soviétique ou la Chine) ne peut espérer jouer un rôle de premier plan
au sein de l'OUA. C'est la raison de la transformation, décidée en mars à
Dakar, de l'Union Africaine et Malgache en Union Africaine et Malgache de
Coopération Economique. Dans ce dernier cas, une véritable adhésion à part
entière à l'OUA est possible. La France semble nager contre cette tendance, ou
du moins essaie de s'y réconcilier et s'y réadapter.
Cependant, toute la tendance est compliquée
par le fait que presque toutes les anciennes colonies françaises en Afrique
sont dirigées par les leaders qui les ont amenés à l’indépendance ; ils sont
étroitement associés dans l'esprit du peuple à la France, et la plupart d'entre
eux étaient actifs dans la vie politique française avant l'indépendance. La
politique gaulliste actuelle est prise dans le dilemme de devoir maintenir des
relations appropriées avec les dirigeants actuels, et en même temps de se
préparer à des relations fructueuses avec d’éventuels successeurs dont l’orientation
politique sera certainement beaucoup plus radicale.
Sur le plan économique, la nouvelle politique
française a été définie dans la conférence de presse du président de Gaulle du
31 janvier 1964 et dans le rapport sur la politique de coopération avec les
pays en voie de développement publié au début de cette année. La conclusion du
rapport, acceptée par le gouvernement français, est que l'aide aux pays
sous-développés restera à peu près à sa proportion actuelle du produit national
brut de la France, ce qui signifiera certainement une augmentation considérable
dans les années à venir à mesure que le produit national augmentera. L'aide à
l'Afrique, cependant, à environ 700 millions de dollars par an, est peu
susceptible d’augmenter. L'effort principal sera dirigé ailleurs, notamment
vers l'Amérique du Sud, et des critères d'aide beaucoup plus stricts sont
probables, y compris un retour financier bénéfique pour la France.
En cherchant à postuler la nouvelle politique
économique de la France en Afrique, il est important de ne pas se laisser
tromper par le `` Cartierisme '' - le point de vue exposé avec force par le
journaliste et polémiste Raymond Cartier selon lequel la France gaspille
simplement de l'argent dans des pays Africains ingrats et corrompus ; des
fonds qu’il serait bien mieux de consacrer à répondre aux besoins de sa propre
paysannerie rétive. M. Cartier est un journaliste populaire, qui a ses fans en
France, et il vaut peut-être la peine de rappeler qu'il n'est pas le
gouvernement français et ne représente pas ses points de vues. Néanmoins, la
France entend clairement être beaucoup plus prudente quant à l'aide qu'elle
fournira à l'Afrique à l'avenir. Et si la politique mondiale de de Gaulle va de
l'avant, les relations d'aide avec les anciennes colonies ressembleront
vraisemblablement à l'avenir à des relations avec des pays sous-développés qui
reçoivent pour la première fois l'aide de la France. Il convient également de
noter une autre initiative largement attendue. L'aide française devrait être
concentrée dans les années à venir sur trois pays, le Sénégal, la Côte d'Ivoire
et le Gabon. Le Sénégal (français bien avant la Savoie et Nice) pourrait
devenir une sorte de Liban africain ; la Côte d'Ivoire et le Gabon sont bien
entendu les plus rentables à développer. L'argument avancé à l'appui d'une
telle politique est qu'au stade actuel, le développement de tous les pays
concernés est une tâche trop lourde pour la France. Elle se concentrera donc
sur les trois, dans l'espoir que leur richesse se répandra dans les pays
voisins. En fait, ce sera un grand pas sur la voie du retrait des tâches et
responsabilités dans lesquelles le Général a perdu tout intérêt.
Stratégiquement, l'Afrique s'inscrit déjà
dans une politique globale esquissée par de Gaulle dans son discours du 23
novembre 1961, à Strasbourg:
Comme
l'éloignement relatif des continents ne cesse pas de se restreindre, il n'est
plus, où que ce soit, de danger, ni de conflit, qui n'intéressent une puissance
mondiale et, par conséquent, la France. Au surplus, sous des formes nouvelles,
adaptées à notre siècle, la France est, comme toujours, présente et active
outre-mer. Il en extraire que sa sécurité, l’aide qu’elle doit à ses alliés, le
concours qu’elle est engagée à fournir à ses associés, peuvent être mis en
cause dans une région quelconque du globe. Une force d'intervention terrestre,
navale et aérienne, faite pour agir à tout moment, n'importe où, lui est donc,
bel et bien nécessaire. Nous commençons à la réaliser.
En Afrique, cela se concrétise par le passage
de l'ancienne «politique de présence» à une politique de forces stratégiques,
prêtes à agir là où c'est nécessaire. Au lieu des garnisons françaises dans
chaque pays, toutes les troupes françaises doivent être regroupées en
Mauritanie, au Tchad et en Côte d'Ivoire; seuls les instructeurs et le
personnel d'assistance technique seront laissés ailleurs. Ce dispositif
s'inscrit dans la démarche mondiale de la France; elle répond également à
l'inacceptabilité croissante des forces françaises stationnées dans les pays
africains.
Comme il a été dit, deux évolutions
marquantes régissent la nouvelle politique française en Afrique: la propre
recherche de la France d'une position mondiale plus large et la rapidité d'une
indépendance plus complète dans la nouvelle Afrique. Il est plus important,
toutefois, de ne pas sous-estimer la volonté française de conserver une
position dominante dans ses anciennes colonies, ni celle de nombreux Chefs
d’État concernés à maintenir des liens étroits et amicaux avec la France, dans
la mesure du possible. La France est en train de changer de position vis-à-vis
de l'Afrique, mais reste très inquiète par le fait que personne ne la remplace
là-bas, surtout pas les États-Unis. En effet, les frictions entre la France et
les États-Unis en Afrique sont bien plus vives et importantes que les conflits
Est-Ouest qui font la une des journaux. De Gaulle est assez réaliste pour réaliser
que les Russes et les Chinois, faute de technologie et d'argent, ne puissent
espérer supplanter la France en Afrique pendant de nombreuses années, alors que
les États-Unis pourraient bien le faire plus rapidement.
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