ET NOUS QUI PENSIONS BÊTEMENT QUE LA FRANCE N’AVAIT PAS BESOIN DE L’AFRIQUE !
«La France n'a pas besoin de l'Afrique !» C’est en ces termes que Nicolas Sarkozy était allé insulter l’intelligence des africains à Bamako en 2006, lors d'une visite dans la capitale malienne. Mais il semble avoir, entretemps, changé d'avis. L’observateur remarquera que le chef de l'état français fait tout son possible pour la mise en place ou la consolidation d’une Afrique acquise corps et âme aux intérêts économiques français. La visite de François Fillon en Afrique, avec dans sa suite des hommes d’affaires français s’inscrit résolument dans cette continuité. Donc pour Sarkozy, le discours de rupture n’était qu’une farce éphémère. La France n’entendait jamais changer de cap en Afrique. Il fallait même refaçonner l’Afrique en chassant ceux qui pourraient se montrer un rien indépendant. Ce fut le crime de Gbagbo.
1. La promotion des relations en sens unique avec l'Afrique
Même si le vocabulaire change un peu, les objectifs de la présence de la France en Afrique restent les mêmes que par le passé. La France n’a pas seulement besoin de l’Afrique, de toute évidence elle en a grand besoin. Quand on observe avec un regard critique ce qui vient de se passer en Côte d’Ivoire, on ne peut pas passer sous silence l’analogie d’une relation France-Afrique qui continue de ressembler comme 2 gouttes d’eau à une relation entre colonisateurs et colonisés. Quand Fillon déclare à Libreville que les forces françaises qui y sont basées, vont constituer le nouveau dispositif "avancé et projetable" en Afrique, est-ce une bonne nouvelle pour l’Afrique ou le Gabon? Ce que cela veut dire, chers lecteurs, est que c’est à partir de notre capitale, comme par le passé, que s’exécuteront les coups fourrés de la françafrique. Cet aveu de Fillon peut nous laisser conclure que la France aura besoin d’un régime « ami » au Gabon pendant encore longtemps et comme les Bongo font l’affaire depuis 43 ans, pourquoi changer une équipe qui gagne ? D’ailleurs, ce rôle traditionnel du Gabon dans les barbouzeries françaises s’est encore mis en évidence récemment en Côte d'Ivoire, où le 6e bataillon d'infanterie de marine (BIMA) a activement participé aux combats qui ont débouché sur la chute de Gbagbo et l’installation au pouvoir de Ouattara. Tous les africains et gabonais ont vu ce qui s’est passe et ne pensent pas du tout que la France a installé Ouattara parce qu’elle voulait que l’Afrique progresse. Non, Ali Bongo au Gabon, Ouattara à Abidjan, pour la sauvegarde des intérêts français en Afrique. Quand on parle de relations bilatérales entre la France et l’Afrique, ce qui est curieux est que tout le monde peut citer les intérêts de la France en Afrique mais personne ne pourrait nous situer exactement ceux de l’Afrique en France, en dehors des biens personnels des dictateurs africains. Dans ce contexte, parler de partenariat revient à se moquer des gens car le partenariat existe entre la France et les Bongo et non entre la France et le Gabon. Ce partenariat est d’enrichir et la France et les Bongo au détriment du Gabon dont tout le monde ou presque, du reste s’en fiche.
2. Les affaires, encore les affaires et toujours les affaires
Pour la France, l’Afrique n’est rien d’autre qu’une vache a lait qu’on doit traire jusqu'à la dernière goutte. Tout le reste, que des fanfaronnades et des vœux pieux. Entendons nous bien. Quand un premier ministre français, à un an des élections présidentielles dans son pays, va en compagnie d’industriels en visite en Afrique, ce n’est pas pour la faune et la flore, mais bien pour présenter à tous l’étendu du gâteau françafricain et ce que ces industriels gagneraient s’ils misaient à nouveau sur Sarkozy pour un deuxième mandat. En fait Fillon dit à ces industriels : « regardez ceci est notre domaine. Soutenez-nous et à vous les minerais, le bois, les BTP etc. L’Afrique représente des milliards d’euros de chiffre d’affaire annuel pour ces industriels. L’autre coté de la médaille est que Fillon dira aux chefs africains : «écoute, je t’amène des industriels pour les projets de développement dont tu as besoin. Je te dis à qui tu dois donner tel ou tel contrat, compris ? N’oubli pas non plus que Sarkozy attend ta contribution». Chers lecteurs, la visite paternaliste et affairiste de Fillon, n’est que le prolongement logique du replacement par la France, de pions sûrs en Afrique.
En fin de compte, la visite de Fillon est d’une banalité triviale, c’est un cliché. Mais un cliché tragique, car traduisant le non-progrès ou même régression que nous avons vécu en françafrique. Dans ce dispositif français, nous ne risquons pas de voir s’épanouir tous les garde-fous et contres pouvoirs qui caractérisent la démocratie. Nous aurons toujours dans nos médias d’état, des images du pouvoir en boucle, et l’absence d’images de ceux qui pourraient être des contres pouvoirs. Ainsi ira le Gabon et l’Afrique francophone.
Comments
Post a Comment