Le Gabon industriel, un canular émergent
Le pétrole a coulé dans ce pays. Le manganèse et l’uranium ont été extraits de ce pays. Pendant des décennies, nous avons été mystifiés par les statistiques nous attribuant le revenu moyen par habitant le plus élevé d’Afrique (Afrique du Sud compris). Mais l’indice de développement humain s’enfonçait plus profondément dans la zone caractérisant les pays les plus pauvres du monde. Malgré toutes nos richesses, nous caracolions au bas des classements en compagnie d’Haïti, de la Somalie… Comme le revenu moyen par habitant qui même si nous savions qu’il ne représentait aucune réalité « on the ground », nous mettait du baume au cœur quand il fallait insulter les Equatos dans les bars d’Atsibe-Ntsot. Mais nous ne pouvons même plus insulter les Equatos aujourd’hui vu que leur chiffres sont astronomiquement supérieurs aux nôtres, et si nous parlons beaucoup, ils vont nous répondre qu’ils sont prêts pour la CAN ayant déjà toutes les infrastructures ; tandis que nous au Gabon n’en sommes encore qu’à faire la longue bouche lors des conférences de presse qui promettent, promettent et promettent encore. C’est l’avenir en confiance.
Après un bilan épouvantable ayant ruiné tous les espoirs des Gabonais, la même bande de scélérats nous promet cette fois, tenez vous bien (trois roulements de tambour s’il vous plait !) : L’INDUSTRIALISATION.
Mes frères et sœurs, ne riez pas. Je sais, je sais, vous êtes au courant du fait que les industries déjà présentes sur le sol national ont tendance à battre de l’aile. Les deux plus gros pétroliers, Total et Shell laissent de plus en plus leur place aux moyennes et petites sociétés d’exploitation. Dans le secteur de l’énergie, les performances de la SEEG sont d’années en années remarquablement constantes dans leur médiocrité. Rappelons pour prendre un exemple actuel, la pénurie de l’eau, qui s’abat sur Libreville, dans une ville bordée par un estuaire ; incompréhensible. CIM Gabon bat de l’aile. Le projet Belinga tarde à décoller. La Sogara est agonisante, etc. Mais le sauveur arrive ; un autre Bongo-Ondimba promet de renverser la tendance imposée par le Bongo-Ondimba précédent.
Pendant 40 ans, au plus fort de la production pétrolière, les Bongo-Ondimba n’ont jamais jugé utile d’implanter au Gabon une industrie de transformation des matières premières. C’est maintenant que les réserves s’amenuisent qu’ils veulent nous faire croire que les investisseurs vont se ruer chez nous. Le rêve ! Mais ceux d’entre nous qui ne se laissent pas séduire par des rêveries, savent que l’économie Gabonaise reste archi dominée par l’extraction pétrolière. Que l’agriculture dans ce pays est complètement décimée, au point ou nous importons plus de 80% de notre consommation alimentaire. Que la pauvreté s’étend de plus en plus et que l’infrastructure est soit inexistante, soit en pleine déliquescence. Le secteur le plus dynamique est celui de l’informel, qui doit son dynamisme au fait qu’il échappe aux prédations des gouvernants. Cet état des lieux effrayant m’amène à me poser la question de savoir comment les mêmes qui nous ont mis dans cette situation pourraient nous en sortir. Dans les régions minières de l’Ogooué-Maritime, on observe depuis 40 ans que les entreprises se livrent à du vandalisme écologique en toute impunité. Que les populations riveraines de ces exploitations ne profitent en rien des richesses de leur sous-sol. Qu’il n y ait aucune initiative gouvernementale qui permettrait de croire à un renversement de ces tendances. En effet, comment industrialiser un pays ne possédant même pas une classe d’homme d’affaires crédibles. Je ne parle pas des prête-noms qui se font passer pour des hommes d’affaire au Gabon. Comment industrialiser le pays avec une tarification douanière qui est à la fois exorbitante et à la tête du client.
On fait beaucoup de promesses au Gabon, sans qu’aucune étude sérieuse ne semble entreprise pour identifier les causes des carences et problèmes et envisager les correctifs nécessaires. Le cas de la SEEG est exemplaire. L’état promet, promet et promet encore, le peuple continue de tirer Lucifer par la queue. Mais, les résultats de telles études (si elles existaient) ne risquent-ils pas de révéler de graves carences susceptibles de remettre en cause, de proche en proche, le mode de gouvernance globale du pays ? C’est bien pour cela que rien n’avance. Pourtant l’état a toujours développé, pour les besoins de la planification, une multiplicité d’organismes chargés du recensement de la population, de l’information statistique, des enquêtes et des études économiques et sociales. Mais la mission de ces organismes visant à construire et diffuser une image objective de la réalité que vivent les Gabonais, a été détournée vers la légitimation de politiques, pour servir de base à l’élaboration de projets ambitieux et de bilans officiels à la gloire et pérennisation du seul pouvoir Bongo. Comment industrialiser un tel pays, dont le pouvoir travestit tout et dont le mode de gestion réside dans l’opacité. Dans les pays de démocratie pluraliste et d’alternance au pouvoir, les institutions de la société sont en mesure d’assurer une mission de service public et d’exercer leurs activités en dehors de toute pression extérieure : Leur autonomie est la condition de leur crédibilité. Un défi comme l’industrialisation est donc intimement lié à la capacité à se doter des moyens d’étude susceptibles d’éclairer l’action publique et de mettre en place des mécanismes efficaces d’information et de participation des citoyens à la conception et à la réalisation de cette action publique.
Au Gabon, sous Ali Bongo, alors que s’accentue encore la gouvernance autoritaire et centralisée des institutions du pays, où les rapports personnels d’allégeance dominent sur la règle, sur le droit, et implique la monopolisation au niveau des sphères dirigeantes de la famille et du clan, l’industrialisation est difficile, si ce n’est impossible, car les affaires publiques fonctionnent alors sur la base de l’opacité et de la culture du secret et de la famille. Au Gabon, les institutions sont méfiantes de tout regard ou évaluation qui mettrait en lumière leurs activités. Tout ce qui contribue à la transparence et à la participation à la gestion publique est perçu comme une menace directe pour les groupes d’intérêt dont le pouvoir repose sur l’opacité. Dans ces conditions, point d’industrialisation, car les investisseurs ne placent leur argent, en général, que là où le capital humain est conséquent (nombre d’années de scolarisation de la population active) et où la maîtrise du savoir et de son utilisation existent et sont fiables. Les préalables à l’industrialisation étant: la qualité de l’éducation et de la formation, capacités institutionnelles et de gestion, vitesse de circulation de l’information scientifique et technique. Autrement dit, toutes les conditions qui font manquent au Gabon en ce moment. Comment donc, en dépit de ces disparités, puisse Ali Bongo accomplir l’industrialisation du Gabon ? De qui se moque t-on ?
Dans tous les pays qui ont émergé depuis 1960, le schéma est le même. Cette émergence économique est étroitement liée à l’utilisation du savoir dans les modes de production. Ces pays se distinguent par l’adoption d’une stratégie de développement axée sur le savoir, qui a fait la différence entre l’industrialisation et la stagnation. Par exemple, les chiffres nous disent que la proportion des jeunes en âge d’accéder à l’enseignement supérieur en Corée du Sud, entre 1960 et 2000, est passée de 5 à 80%. Au Gabon je doute que le nombre d’étudiants ayant accès à l’enseignement supérieur dépasse les 5% de jeunes Gabonais. C’est avec ça qu’on veut industrialiser ? De qui se moque t-on ?
L’enseignement supérieur représente, en effet, l’élément fondamental parmi les facteurs qui définissent l’industrialisation. Il contribue à former des professionnels qualifiés, des scientifiques et techniciens de haut niveau, des enseignants, des cadres d’entreprises, des fonctionnaires, des administrations. Il constitue aussi un lieu privilégié pour développer les capacités de production de savoirs nouveaux tout en ayant accès au savoir mondial pour l’adapter aux besoins locaux. Le secret de l’émergence de la Corée du Sud a résidé dans sa réussite à mettre en place et développer un concept où les savoirs acquis ou produits au sein du système de formation et de recherche étaient appliqués sur place dans la production de richesses ; ce qui se traduisait en croissance économique qui, à son tour, contribua à élargir la classe moyenne qui devint le moteur de la poussée économique de ce pays.
Dans notre pays, la politique économique pratiquée par les Bongo de père en fils, se situe aux antipodes de celle adoptée par les pays qui ont réussi l’émergence par l’industrialisation. Au Gabon, les décideurs ont investi dans des projets « clés en main » ou « produits en main », mais sans que les décideurs ne se soucient de réunir localement les conditions organisationnelles et les capacités technologiques pour assurer leur fonctionnement productif et donc leur viabilité. Qui ne se souvient pas de l’inauguration à grande pompe par Omar Bongo, d’une usine pharmaceutique clé en main ? Où en sont les médicaments ? De qui se moque t-on ?
Avec l’émergence illusionniste d’Ali Bongo, le gouvernement a annoncé qu’il compte investir dans la création d’entreprises un peu n’importe comment, car la désorganisation économique, la mauvaise gouvernance, la corruption, l’exacerbation des conflits politiques (on le voit bien avec les licenciements des partisans des opposants) continuent vont continuer à gangrener l’états et notre société.
Prochaine étapes de la trilogie de la rigolade : le Gabon des services.
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