Pourquoi Nous Ne Sommes Pas Libres
Il ya des moments trop rares, pendant lesquels on est électrifié de tenir entre ses mains un document qui clarifie ce dont on s'est toujours questionné. J'ai vécu un de ces moments en lisant un livre extraordinaire, dont le contenu nous explique noir sur blanc comment le système d'oppression fonctionne au Gabon et surtout pourquoi nous ne sommes toujours pas libres. Le livre, "The politics of Truth" (la politique de la vérité), a été écrit par Joseph Wilson, ancien ambassadeur des USA pendant la grande époque de Mba Abessole dans les années 1990, grand critique de la guerre Américaine en Irak et supporter de Barack Obama. Joseph Wilson est un républicain qui soutient Obama et pense que la vérité doit être dite aux puissants de ce monde, c'est pourquoi dans ce bouquin, il ne prend pas gants et appelle un chat, un chat. Le chapitre sur la Gabon vous fera pleurer car il vous révèle comment le Gabon est tenu, et qui tire les ficelles dans ce pays et pour quelle raison sommes nous emprisonnés dans le Bongoisme. Ce livre n'est pas une collection de ragot de seconde main, mais des faits racontés à la première personne par un diplomate qui parlait directement à Bongo père et à ses homologues Français. Ici, on ne peut pas se demander: "mais qui lui a dit ça?", car il parle à la première personne étant lui même le témoin de ce qu'il a vécu au Gabon. Quand on connait sa crédibilité, c'est lui qui découvrit la supercherie du mensonge de Bush sur la vente d'uranium à l'Irak par le Niger, on ne peut que prendre les propos de Joseph Wilson très au sérieux. Si vous le pouvez, lisez ce livre dont je vous donne quelques faits saillants concernant le Gabon, ci-dessous. Les propos originaux sont en Anglais, et la traduction en condensé de l'Anglais au Français est de moi.
Le Gabon est traité au chapitre 9, dont le titre est: "All in a Diplomat's Life-From Gabon to Albania". Ce chapitre commence à la page 185.
Pages 189-190, Joseph Wilson écrit ceci:
Lors d'un séjour à Sao-Tomé, je rencontrais l'ambassadeur du Portugal qui me parla pour la première fois des manigances de la France dans la région. Il me révéla que l'un des représentants de la France à Sao-Tomé était le frère de l'ambassadeur de France au Gabon de l'époque, Louis Dominici, et que la France contrôlait la région d'Afrique centrale par les Corses; qu'il faillait se méfier de ces Corses. L'ambassadeur Portugais me jura que le Portugal a une bonne expérience des Corses depuis Napoléon et que son pays empêcherait que ces Corses prennent l'ile de Sao-Tomé. Le lendemain, j'organisais un déjeuner avec le représentant Français à Sao-Tomé, le frère de Louis Dominici (Ambassadeur au Gabon). Après le bon repas et après m'avoir écouté, ce Français alluma une cigarette Gauloise et dit avec arrogance en se vautrant dans sa chaise: "franchement, les Portugais sont incapables de faire ce qui est nécessaire pour ce pays et pour son peuple. Ils devraient tout simplement s'écarter et nous laisser agir". Sur ce, je quittais le repas très amusé par cette réaction.
Pages 191-199, Joseph Wilson écrit ceci:
En contraste à Sao-Tomé, le Gabon était fermement sous le contrôle des Français, et les Français ne laisseraient quiconque leur ravir leur précieuse possession. Le Gabon avec son pétrole, son or et ses minéraux, était une vache à lait pour la France. Le pétrole Gabonais était exploité par la firme ELF, qui en ce temps là, était une société d'Etat Français. Considérant l'implication corruptive de la France dans les élections Africaines, et les mallettes d'argents qui circulaient entre l'Afrique et la France, je ne fus pas du tout surpris quand quelques années plus tard, ELF fut impliqué dans un scandale financier qui éclaboussa les plus hauts sommets des états Français et Gabonais. ELF avait tisses des relations très serrées avec Omar Bongo. Quand j'arrivais au Gabon, Louis Dominici avait déjà été en poste pendant 12 ans comme Ambassadeur de France. Les Ambassadeurs de France au Gabon restent en poste pendant longtemps, ce qui est le reflet de l'importance de ce poste qui de fait est le vrai pouvoir derrière le trône de ce pays. Bongo fut placé à la présidence par De Gaulle, et tous les présidents Français qui suivirent soutenaient son maintient au pouvoir, c'était leur homme. Après le retour au pouvoir du parti de Jacques Chirac suite aux législatives de 1995, je me trouvais dans le bureau de Bongo dont la vue donne sur l'estuaire, quand il m'invita à me rapprocher du bureau. Derrière ce bureau, il y avait 2 portes; une qui, semble t-il, menait à un passage secret, l'autre donnait sur une chambre qui lui servait à coucher les femmes. Sur son bureau, il me montra une lettre adressée à "mon ami Jacques". Il me montra le document dans lequel il avait recommandé à Chirac qui devait rentrer le nouveau gouvernement Français. Bongo exhiba fièrement le document qui soutenait qu'il avait réussi à placer 12 de ses "amis" dans le gouvernement de Chirac. Bongo aimait femmes et champagne. J'avais de bons rapports avec les Gabonais en général et cela inquiétait profondément les Français. Ces relations commençaient à porter des fruits. L'International Foundation for Electoral Systems (IFES), commença à travailler avec les Gabonais pour la planification des élections présidentielles de Décembre 1993. Les choses allaient très vite et ces événements rendaient l'ambassadeur Français Louis Dominici, très nerveux. Je parlais couramment Français et j'avais une bonne connaissance de l'Afrique Francophone. Je n'étais pas du tout perturbé par l'attitude des Français. Dominici regardait la présence Américaine comme une menace. Il pensait que les USA faisaient des progrès au Gabon pour saboter les intérêts Français. Il était déterminé à ne pas laisser cette menace se concrétiser car, le Gabon représentait le principal bijou de l'empire Français en Afrique, surtout qu'au Congo, Pascal Lissouba travaillait contre les intérêts d'ELF.
Au Gabon, les préparatifs de l'élection présidentielle allaient bon train. L'opposition était bien organisée et contrôlait les principales villes du pays. En dehors des considérations commerciales que les Français tenaient absolument à protéger au Gabon, le principal obstacle était aussi que les Français ne croyaient pas en la démocratisation. Ils pensaient que le processus de démocratisation était déstabilisant pour la région. Dans le principe, les Français disaient embrasser la démocratie, mais seulement comme concept et non dans la pratique, car ils étaient préoccupés par les importants intérêts économiques qu'ils avaient dans ces pays.
Au Gabon, je ne soutenais aucun parti. J'avais dit à Bongo et à Dominici, que les USA ne soutiendraient pas de candidat en particulier, à condition que le processus électoral soit légitime et que les Gabonais s'expriment librement dans l'exercice du vote. En préparation à l'élection, j'organisais des diners en l'honneur de tous les chefs de partis. J'en informais Bongo. Malheureusement à mesure que les élections approchaient, Bongo devenait de plus en plus paranoïaque. Bongo et ses conseillers étaient persuadés que tout semblait réunit pour qu'ils perdent les élections. Dominici commença alors à me mettre les bâtons dans les roues. Il commença par faire publier des articles dans la presse gouvernementale Gabonaise m'accusant de soutenir activement l'opposition. En Novembre 1993, Dominici m'invita à sa résidence pour un entretient. Il se plaint à moi qu'une station de radio de l'opposition diffusait des messages haineux anti-français. Il me demanda de faire arrêter ces messages. Je lui répondis que les USA ne finançaient, ni de contrôlaient cette station de radio. Je lui réaffirmais la neutralité des USA., et lui rappela que notre position était clair: nous voulions un processus honnête et clair et nous n'étions ni dans un camp ni dans l'autre. Dominici me fit remarquer que cette élection de 1993 allait être la dernière de Bongo ainsi que le stipulait la constitution Gabonaise. De fait, Dominici demandait tacitement aux USA de ne pas s'opposer à la réélection d'Omar Bongo et de différer toute demande de démocratie pour au moins 7 ans, jusqu'à la fin du nouveau mandat de Bongo qui théoriquement devait être son dernier. Quelques jour après cet entretient, Dominici fit publier dans L'Evénement du Jeudi, en France, un article m'accusant de vouloir déstabiliser le Gabon en soutenant l'opposition et en finançant une station de radio incendiaire.
Page 202, Joseph Wilson écrit ceci:
Il y avait 3 principaux candidats pour cette présidentielle. L'élection était à 2 tours. Mais les Français eurent peur que Bongo perde. Au soir du scrutin, à 23H30, les autorités annoncèrent précipitamment que Bongo avait gagné au premier tour. Les Français, ne voulant prendre aucun risque, décidèrent nuitamment de prendre les devants et court-circuiter le processus. La France avait décidé de faire fi des apparences et de simplement imposer leur homme. Leur cynisme fut stupéfiant, ils ne firent même pas semblant de cacher leur jeu.
Je m'arrête ici vous découvrirez la suite dans le livre en question. Il y a plus de détails de tous ces événements. On y trouve l'affaire Smalto, la destruction de radio liberté, les représailles violentes qui suivirent le hold-up électoral de 1993. Ce livre vous convaincra que pour la France, le Gabon et l'Afrique sont des espaces qui ne méritent ni démocratie, ni alternance, vu que ces principes s'opposent idéologiquement au monopole dont la France estime devoir continuer à exercer sur cette zone.
Depuis que j'ai lu ce livre, je n'arrête pas de penser aux circonstances de notre emprisonnement. Nos chaînes sont de plus en plus lourdes à porter, malheureusement nous éprouvons toutes les difficultés à les rompre. La liberté, chers compatriotes, ne serait-elle qu'une utopie au Gabon?
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