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Traduction française

 

La courte durée et la rupture brutale du mandat du seul Noir PDG d’un fleuron de l’industrie bancaire

 

Tidjane Thiam avait restauré la rentabilité du Crédit Suisse. Mais les Suisses l'ont rejeté comme étant un étranger, et un scandale soudain l'a fait tomber.

 

Par Kate Kelly

 

Le 3 octobre 2020

 

En novembre dernier, Urs Rohner, le président du conseil d'administration du Credit Suisse, a organisé une fête dans un restaurant zurichois pour ses 60 ans. Parmi les dizaines d’amis, de membres de la famille et d’associés d’affaires qui se sont retrouvés, disent les invités, il y avait un seul noir : Tidjane Thiam, le directeur général de la banque.

 

Les festivités se déroulèrent sous un thème du Studio 54 (célèbre boite de nuit New-Yorkaise des années disco) ; avec des costumes des années 1970 et des artistes embauchés pour la circonstances. M. Thiam regarda un artiste noir entrer sur scène habillé en nettoyeur qui se mit à danser sur de la musique, tout en balayant le sol. M. Thiam s'est excusé et a quitté la fête. Son partenaire et un autre couple à sa table, dont le directeur général de la société pharmaceutique britannique GSK, l’ont suivi.

 

Eventuellement, ils retournèrent à la fête, pour être à nouveau abasourdis. Un groupe d’amis de M. Rohner est monté sur scène pour interpréter leur propre numéro musical, tous portant des perruques afro de Noir. (M. Rohner a refusé de commenter les événements, qui ont été décrits par trois invités.)

 

Pour M. Thiam, aujourd'hui âgé de 58 ans, cet anniversaire n'était qu‘un épisode d'une série d'incidents douloureux ayant jalonnés ses cinq années au sommet du Credit Suisse, alors qu'il était le seul directeur général noir au plus haut niveau de l’industrie bancaire. Certains moments étaient choquants, d'autres dérangeants ; la plupart avaient à voir avec les tensions dues au fait d'être noir dans une industrie à prédominance blanche et une ville à majorité écrasante blanche.

 

Grand, réservé, portant des lunettes et polyglotte, M. Thiam a fait le travail pour lequel il avait été engagé : il a rentabilisé le Credit Suisse après un long déclin. Mais il n'a jamais eu de cesse de se battre pour l'acceptation et le respect, tant au sein de la banque qu'en Suisse en général. Lors d'une assemblée d’actionnaires, ses origines furent dénigrées comme étant du « tiers-monde». Un subordonné a acheté la maison voisine de la sienne, qui était plus grande et plus haute et se permettait de regarder directement à travers les fenêtres de M. Thiam. La presse zurichoise l'a attaqué parce que son apparence n’était pas suffisamment suisse.

 

Maintenant, le nombre de directeurs généraux Noirs au plus haut niveau de l’industrie bancaire est revenu à zéro. En février, le conseil d'administration du Credit Suisse a forcé la démission de M. Thiam, après qu'un scandale de surveillance, profondément embarrassant, ait éclaté sous sa direction. Lorsque l’adjoint de M. Thiam a admis qu’il avait ordonné à des limiers d’espionner les employés, le PDG s’est retrouvé avec peu d’alliés et sans moyens de survie.

 

Son éviction a eu remarquablement peu d'échos en dehors de Zurich, survenant des mois avant que les problèmes raciaux systémiques ne prennent de l’ampleur dans le monde, et se produisant à 4000 miles de Wall Street. Mais des entretiens avec 11 personnes qui ont travaillé en étroite collaboration avec M. Thiam au Crédit Suisse et cinq autres contacts étroits - y compris des clients, des amis, des membres de sa famille et des investisseurs - suggèrent que sa race a été un facteur omniprésent tout au long de son mandat, et qu'elle a contribué à créer les conditions de son départ étonnamment rapide.

 

Qu'il s'agisse de racisme, de xénophobie ou d'une autre forme d'intolérance, il est clair que M. Thiam n'a jamais cessé d'être considéré en Suisse comme quelqu'un qui n'était pas à sa place dans cet environnement.

 

Le Crédit Suisse a refusé de commenter.

 

Après la démission de M. Thiam, il a donné une conférence de presse au siège de la banque. «À chaque seconde, j’ai fait de mon mieux», a-t-il déclaré. "Je suis qui je suis. Je ne peux pas changer qui je suis. Il a ajouté: «C'est l'essence de l'injustice de reprocher à quelqu'un d’être ce qu'il est.»

 

«La chose la plus importante dans la vie est de ne pas mourir»

 

Tidjane Thiam est né en Côte d'Ivoire dans une famille d'élites, active en politique. Un membre de la famille dirigea la campagne d’obtention de l’indépendance de la France en 1960, et en est devenu le premier président. Un autre fut Premier ministre du Sénégal.

 

Le plus jeune de sept ans, M. Thiam a été élevé dans une famille musulmane. Sa mère, Marietou, n’était pas lettrée, mais l’a élevé avec des normes perfectionnistes. «Soyez courageux, respectez le personnel qui travaille pour nous - là-dessus, elle était impitoyable - ne mentez pas, soyez ponctuelle, ne dites pas de mauvais mots, démontrez de la solidarité», a déclaré Yamousso Thiam, la sœur de M. Thiam, lors d’une interview.

 

Leur père, Amadou, était journaliste, ministre et ambassadeur au Maroc. Lorsque M. Thiam était enfant, Amadou fut incarcéré pendant trois ans pour complot contre le gouvernement ivoirien. Les allégations ont par la suite été infirmées et les enfants Thiam se souviendront longtemps de l'injustice - comme ils l'ont fait de la leçon que leur père tira de sa survie de justesse lors d’une tentative de coup d'État en 1971, dans laquelle il fut blessé par balle à la main. «La chose la plus importante dans la vie», plaisantait Amadou, «est de ne pas mourir».

 

Lorsque M. Thiam avait 6 ans, et était manifestement peu intéressé par l'école, un de ses frères a demandé au président ivoirien d'intervenir. Il a convoqué M. Thiam et ses parents et les a engueulés. « Je m'en souviens comme si c'était hier», se rappella M. Thiam lors d'une interview en 2015. « Il y avait une sorte de tribunal de la famille, où il y avait un acte d’accusation: Il doit aller à l’école. L’époque des princes africains analphabètes et des rois paresseux est révolue. »

 

M. Thiam a rapidement excellé et, en 1984, il est devenu le premier Ivoirien diplômé de la prestigieuse École Polytechnique de Paris. Après avoir obtenu un diplôme d’ingénieur et une maîtrise en commerce, M. Thiam a travaillé à la Banque mondiale, puis au bureau parisien de McKinsey.

 

En 1994, M. Thiam est retourné en Côte d'Ivoire pour travailler dans la fonction publique. Quelques années plus tard, il a été promu ministre de la Planification et du Développement - mais lorsqu'un coup d'État militaire déposa le président, il avait par la suite refusé un rôle dans le nouveau gouvernement et, craignant pour sa vie, il retourna en Europe travailler dans le secteur privé.

 

Il a dirigé les opérations européennes d’Aviva, un assureur britannique, et a été nommé en 2009 directeur général de la société britannique de services financiers Prudential - la première personne Noire à diriger l’une des cent plus grandes entreprises cotées à la Bourse de Londres. Au cours de son mandat, les bénéfices de Prudential doublèrent et le cours de son action avait triplé, et un journaliste de la BBC décrit M. Thiam comme ayant « grimpé en flèche dans des institutions de premier plan avec comme recette, un cocktail enivrant d'intellect cristallin, d'ambition pétillante et d’une bonne dose de charme. »

 

M. Rohner, le président du Credit Suisse, a approché M. Thiam poue lui proposer la possibilité de diriger la banque en 2014. M. Thiam était sceptique, il a dit plus tard au magazine Euromoney: C'était un rôle décourageant, et il n'était pas sûr que la banque était sérieuse au sujet de son embauche. (Plus tôt dans sa carrière, il avait dit à un chasseur de têtes qu'il ne voyagerait pas pour un entretien d'embauche à moins que l'employeur potentiel ne sache qu'il était « Noir, Africain, francophone et mesurait 1m93 »). Il a insisté d’avoir de longues discussions avec M. Rohner avant d'accepter de prendre le poste.

 

"Le président me dit que nous avons eu 19 entrevues", a déclaré M. Thiam dans l'interview d'Euromoney, ajoutant : "En fait, j'ai dit non deux fois."

 

À l'époque, le Crédit Suisse était en plein désastre. Des années après la crise financière, la banque était encore fortement dépendante de stratégies de négociation coûteuses, et son unité de gestion de fortune était en retard sur UBS, le rival de la banque à Zurich. Les investisseurs étaient impatients à cause de son cours boursier languissant. Le jour de l’annonce de l’embauche de M. Thiam en mars 2015, les actions du Crédit Suisse ont augmenté de 7%.

 

Son plan de restructuration impliquait des milliers de licenciements et la réduction des ventes et des échanges, rendant de nombreux employés nerveux pour leur emploi. C'est un cadre qu'il a promu, cependant, qui a donné à M. Thiam l'une de ses premières expériences troublantes en Suisse.

 

Pour renforcer l’activité de gestion de fortune privée du Crédit Suisse, il avait fait appel à Iqbal Khan, 39 ans, né au Pakistan mais vivant en Suisse depuis son enfance. Les deux discutaient de stratégie un jour vers la fin 2015, selon des personnes proches de l'incident, lorsque M. Khan a annoncé qu'il avait acheté la maison voisine de M. Thiam's à Herrliberg, une banlieue très chère, et ayant une vue sur le lac Zurich. M. Thiam a demandé à M. Khan s'il était sérieux. M. Khan a dit oui.

 

Plus tard, M. Thiam a dit à des amis et collègues que cette nouvelle le dérangeait. Férocement discret, il était en instance de divorce etl se méfiait d'un subordonné ayant une vue sur sa propriété en contrebas. En tant que PDG, il n'appréciait pas l'idée d'être littéralement méprisé.

 

M. Thiam a fait un effort pour embrasser la société zurichoise. Il a rendu visite à des chefs d'entreprise suisses, a pris la parole lors de panels organisés par les médias suisses et a assisté à un festival de printemps annuel dans un costume traditionnel suisse : un chapeau de style Napoléon et une cape marine assortie. Mais très tôt, certains aspects de son style de vie ont commencé à irriter les locaux. Alors que le Crédit Suisse faisait une démonstration de réduction des coûts, la presse suisse a commencé à cataloguer les voyages en avion et en première classe de M. Thiam ; et ses séjours dans les suites présidentielles. Un article l'accusa d'avoir utilisé des hélicoptères pour se rendre à des événements ; et de voyager avec un entourage ; l'appelant « le roi Thiam ».

 

Dans un pays presque synonyme de richesse – le royaume du compte bancaire suisse et des montres-bracelets aux prix à six chiffres - un tel antiélitisme est un peu difficile à comprendre. Les expatriés qui ont longtemps travaillé en Suisse disent que les Suisses ont une aversion fine pour les étalages publics de richesse et considèrent ceux qui en font comme étant des étrangers. Un milliardaire étranger dans le pays, qui ne voulait pas être nommé pour discuter de la question, a déclaré qu'il avait interdit les voitures de luxe dans le garage de son entreprise.

 

D'autres ont été plus directs pour qualifier M. Thiam d'étranger. Lors de la réunion annuelle des investisseurs du Crédit Suisse en 2016, un actionnaire du nom d'Ingeborg Ginsberg, un survivant de la Shoah de 94 ans, a remis en cause les origines de M. Thiam.

 

«La banque s'appelle Suisse - Credit Suisse», a déclaré Mme Ginsberg en allemand. Faisant référence à Brady Dougan, le prédécesseur américain de M. Thiam, elle a ajouté: «Je lui ai demandé l’année dernière s’il n’avait pas de conflit d’intérêts. Je pose la même question à M. Thiam, s'il peut me comprendre : N'a-t-il pas un conflit d’intérêts ? Je l'ai entendu parler du tiers monde - est-ce vraiment ce que nous voulons ? Qu'une bonne banque suisse solide plonge au niveau du tiers monde ?

 

Sur l'estrade, où M. Thiam était assis à côté de M. Rohner, leur choc était évident.

 

M. Rohner a interrompu. "Vous ne devriez pas porter de telles accusations, sans déclaration, dans la salle", avait-il dit, ajoutant: "Nous ne prenons pas toujours des étrangers, nous choisissons toujours le meilleur homme pour le poste, et nous avons trouvé cet homme."

 

Un sentiment de: Vous avez nettoyé le désordre; maintenant partez !

 

En 2018, l'activité du Crédit Suisse s'était considérablement améliorée. La banque était à nouveau solidement rentable et la division de la fortune avait dépassé UBS dans certains domaines. M. Thiam avait résolu les problèmes juridiques qui avaient précédé son mandat, réglant une affaire majeure aux États-Unis pour un montant inférieur à celui que le Crédit Suisse avait prévu. Euromoney l'a nommé banquier de l'année.

 

M. Thiam était désormais bien connu à Zurich, où les piétons de la Bahnhofstrasse lui serraient parfois la main ou lui demandaient de prendre des selfies avec lui. Une grande partie de l'attention était anodine, mais les gens qui ont travaillé avec lui à l'époque disent que l'exposition constante l'a épuisé.

 

Dans Zurich à prédominance blanche ; une ville de seulement 400000 habitants, son importante fonction et sa couleur de peau, l'ont mis en évidence. M. Thiam a arrêté de conduire sa Porsche Cayenne pour se rendre au travail, craignant que tout accrochage avec un autre automobiliste, même au sujet d'une place de parking, ne se transforme en incident médiatique. Dans le tramway, ses fils adultes étaient souvent les seuls passagers noirs - et les premiers à se voir contrôler leurs billets. Simplement en allant dans une discothèque locale, ils pourraient déclencher des ragots. M. Thiam a estimé qu'il était sous un microscope; lorsque sa sœur voulu organiser une visite surprise a son frère, un employé de l’hôtel zurichois trop agacé a remarqué sa réservation et a partagé les détails avec le bureau de M. Thiam, gâchant l’occasion.

 

À un autre moment, lors d'un voyage d'affaires de Zurich à Genève, il a été retenu par un douanier qui a exigé de voir son passeport, même après que M. Thiam eut protesté qu'il voyageait à l’intérieur de la Suisse et non d’un pays à un autre. Il a produit le document et a été autorisé à quitter l'aéroport, mais a demandé à un membre du personnel de déposer une plainte officielle au sujet de l'expérience. (Chacun de ces incidents a été décrit par plusieurs personnes.)

 

Les choses commençaient également à se détériorer au sein du Crédit Suisse. Malgré une amélioration du bilan, les actions du Crédit Suisse ont baissé, elle étaient pénalisées par les offres d’actions que M. Thiam avait jugées nécessaires pour renforcer les réserves de capital. Il a déclaré à ses associés qu'il se sentait sous-estimé par les membres du conseil d'administration, dont certains lui reprochaient le manque de croissance du Crédit Suisse en Chine.

 

En août 2018, une publication financière locale a écrit que M. Thiam était « fêté à l'étranger, mal aimé en Suisse », ajoutant: «Sujet à des comportements impérieux et susceptible aux critiques, Thiam a perdu la compréhension du sens suisse de la proportionnalité. Les articles de presse suscitaient souvent des commentaires dénigrants. Un lecteur d'un blog zurichois particulièrement critique l'a qualifié de "vendeur de fruits" et a ajouté: "Rentrez chez vous, imbécile!" Un autre a écrit: «J'espère qu'il envoie son argent chez lui. Ensuite, nous pourrons classer cela comme aide au développement. »

 

M. Thiam disait souvent qu’étant donné les antécédents de sa famille avec les insurrections militaires, il n’était pas dérangé par la mauvaise presse et les drames d’entreprise. Mais au fur et à mesure que l'année avançait, M. Thiam a confié à ses associés sa crainte que le conseil ne veuille le faire partir. Leur message tacite, a-t-il dit, était : Vous avez nettoyé le désordre. Maintenant partez. C’est un schéma connu sous le nom de « falaise de verre » - la tendance des institutions à installer les femmes et les minorités comme chefs de file uniquement en cas de gros problèmes, puis les mettre de côté ensuite.

 

M. Thiam était plus près du précipice qu'il ne le realisait. Début 2019, il a organisé une fête de Noël chez lui. M. Khan s'était depuis installé dans la propriété voisine et M. Thiam avait planté des arbres pour obstruer la vue. Lors de la fête, M. Khan a entamé une discussion animée avec la partenaire de M. Thiam au sujet de l’aménagement paysager, la bouleversant, et les deux hommes sont descendus pour un mot en privé. M. Khan a rapidement quitté les lieux.

 

Aucun des deux ne dira exactement ce qui s'est passé. Mais plus tard cette année-là, M. Khan a choqué Zurich en décampant vers UBS. La gestion des fortunes avait été le secteur le plus réussi du mandat de M. Thiam, et maintenant son dirigeant vedette travaillerait pour le plus grand concurrent de la banque.

 

Jeux d'espionnage

 

En septembre, M. Khan et son épouse étaient en voiture se rendant à un déjeuner dans un restaurant zurichois lorsqu'ils remarquèrent qu'ils étaient suivis. M. Khan s'est garé et a confronté l'homme, qui s'est avéré être un détective d'une société suisse appelée Investigo. Une dispute s'en est suivie, au cours de laquelle chaque partie a depuis accusé l'autre d'avoir été physiquement agressive. M. Khan a déposé un plainte à la police et le Crédit Suisse et le canton ont ouvert une enquête.

 

«Spygate», comme l'appelèrent les médias suisses, a fait sensation. Au Crédit Suisse, le chef de l'exploitation, Pierre-Olivier Bouée, a admis avoir ordonné la surveillance, affirmant avoir soupçonné M. Khan d'avoir tenté de débaucher des employés. Il a démissionné. M. Thiam, qui a nié avoir eu connaissance des ordres d'espionnage, a été innocenté. Mais M. Bouée n'était pas seulement son n ° 2; il avait suivi M. Thiam à la banque depuis Prudential, et le nom du PDG était profondément terni par association.

 

L'incident a été une débâcle pour l'ensemble du Crédit Suisse, une institution qui était une grande fierté nationale. Un contractuel impliqué dans l'embauche d'Investigo s'est suicidé. M. Rohner s'est senti obligé de s'excuser publiquement auprès des Khans et du public Suisse.

 

Bientôt, d'autres accusations ont fait surface, notamment le fait que le patron des ressources humaines du Crédit Suisse avait également été sous surveillance. Fin décembre, l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers - connue sous le nom de Finma - a ouvert une enquête sur le recours par le Crédit Suisse à des enquêteurs pour espionner les employés.

 

Les répercussions du scandale progressèrent à une vitesse remarquable. Le 31 janvier 2020, Bloomberg a rapporté que M. Rohner recherchait un nouveau PDG.

 

Trois grands actionnaires - deux américains, un britannique - sont venus publiquement à la défense de M. Thiam. David Herro, un haut dirigeant de Harris Associates, un fonds de Chicago, a suggéré que l'opposition à M. Thiam était motivée par sa race. Apparaissant sur Bloomberg Television, M. Herro a attribué le conflit à «l'envie des concurrents - ou peut-être à autre chose, étant donné que M. Thiam a l'air un peu différent du banquier suisse typique. L'une ou l'autre de ces deux raisons derrière ces attaques contre lui, pour moi, est extrêmement désagréable.

 

Mais M. Thiam avait trop peu de soutien de son côté. Le 7 février, il a démissionné. Un membre suisse de son équipe de direction a été nommé comme successeur.

 

En tant que directeur général, M. Thiam était responsable de tout au Crédit Suisse et l'activité de surveillance était largement considérée comme abjecte. Mais la question reste ouverte de savoir si un PDG d'un autre milieu aurait pu survivre. D'autres dirigeants de banques ont survécu à des scandales bien plus graves.

 

En 2012, Jamie Dimon, le PDG de JPMorgan Chase, n'a pas réussi à freiner un trader, surnommé la baleine de Londres, qui avait fait perdre à la banque plus de 6 milliards de dollars et causa aussi à la banque plus d'un milliard de dollars d'amendes. La semaine dernière, dans une affaire différente, la banque a accepté de payer près d'un milliard de dollars d'amendes pour avoir manipulé illégalement les marchés des métaux précieux et des bons du Trésor. M. Dimon en reste le PDG. Le plus ancien en poste sur Wall Street.

 

En 2016, dans une affaire présentant des similitudes frappantes avec ce qui s'est passé au Crédit Suisse, le directeur général de la Barclays a tenté de démasquer un lanceur d'alerte, demandant à un moment donné à une équipe de sécurité interne d'intervenir. Les régulateurs britanniques ont infligé une amende au PDG, James E. Staley, avec peu de bruit. Par ailleurs, en 2019, M. Staley a été révélé avoir eu des liens avec Jeffrey Epstein, le financier accusé de trafic sexuel de jeunes filles, y compris d’avoir rendu visite à M. Epstein alors qu'il était incarcéré. M. Staley est toujours au sommet de la Barclays.

 

Avant de quitter le Crédit Suisse, M. Thiam a eu la chance de présenter ses derniers résultats à la presse. Vers la fin de la séance de questions et réponses, un journaliste local a pris la parole.

 

«La stratégie était bonne», a déclaré le journaliste, mais le style «ne correspondait pas à la mentalité suisse. Voici ma question: serait-ce différent en Angleterre ou ailleurs - »

 

«Je suis qui je suis», l'interrompit M. Thiam. «De la même manière que je suis né avec une main droite, je ne peux pas changer d'être droitier.» Il a ajouté: «Si les gens n'aiment pas les droitiers, alors je suis en difficulté. C’est tout ce que je peux dire, car je ne peux pas devenir gaucher. »

 

Des collègues assis près de lui ont juré avoir vu les yeux de M. Thiam s’écarquiller.

 

L'enquête se poursuit

 

M. Thiam est resté à Zurich, dans l'attente d'un entretien officiel avec la Finma. C'était une période d'angoisse, disent ses proches collaborateurs, car il voulait de toute urgence rendre visite à son fils, Bilal, qui souffrait d'un cancer dans un hôpital de Los Angeles. À la fin d’avril, il s’est rendu au chevet de Bilal. Il est décédé début mai, à 24 ans.

 

Depuis lors, M. Thiam mène des consultations sur les efforts de secours contre les virus en Afrique, où il est envoyé spécial de l'Union africaine sur la Covid-19. Il s'est également réengagé dans la politique en Côte d'Ivoire. En août, M. Thiam a alimenté des rumeurs selon lesquelles il envisageait une candidature à la présidence avec un message vidéo commémorant le 60e anniversaire du pays, dans lequel il exhortait les Ivoiriens à adopter un esprit «réconcilié et fraternel».

 

Le 2 septembre, après avoir conclu que les activités de surveillance du Credit Suisse pouvaient avoir enfreint la «loi de surveillance» suisse, la Finma a annoncé que son enquête était passée d'une enquête à une question d'application de la loi. Un porte-parole de l'agence a déclaré que l'accent était mis sur la banque elle-même, pas sur les individus.

 

Pour sa sœur Yamousso, une question sur les Suisses persiste. «Je serais curieuse de savoir», a-t-elle déclaré, «si aujourd'hui ils avaient enfin l'honnêteté de reconnaître que voir un homme Noir au sommet de l'une de leurs sociétés les plus prestigieuses était insupportable.»

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