CERTAINES RÉGIONS DU GABON ONT DÉJÁ CONNU DES ANNÉES AGRICOLES GLORIEUSES. POURQUOI PRÉTENDRE QU’IL FAILLE REPARTIR Á ZERO ?




Le ministre de l’agriculture, Raymond Ndong Sima passait ce jour sur la RTG1 pour présenter son secteur et parler des différentes initiatives qu’il mènerait pour redresser le secteur agricole au Gabon. Bien que la franchise oblige à reconnaitre qu’il faille laisser du temps pour que les mécanismes de ce « supposé » redressement prennent formes, nous avons été surpris du fait que Raymond Ndong Sima a semblé ne pas du tout se souvenir que la pratique d’une agriculture efficace n’était pas du tout étrangère aux paysans gabonais. Par son discours, il semblait évoquer la nécessité de réapprendre aux gabonais à cultiver les mêmes produits que nous avons toujours cultivés depuis nos ancêtres, ce qui est une erreur fondamentale. Les Gabonais savent cultiver, ce qu’il faut c’est de leur permettre d’écouler le produit de leur labeur sur les marchés à des couts de production et de revient qui stimuleraient nos paysans. Les raisons des contres performances du Gabon en matière agricole sont connues, et le manque de technicité n’est pas la raison principale de l’abandon de l’agriculture par beaucoup de gabonais.

1. Les gabonais peuvent efficacement cultiver, les preuves…Nous avons été très frappé d’entendre Raymond Ndong Sima mettre l’accent sur les particularités méthodiques de notre agriculture qu’il trouvait défaillantes ; c'est-à-dire que selon lui, le gros problème de notre agriculture serait les méthodes utilisées qui ne seraient pas modernes. Nos friches et nos jachères, bref nos rotations agricoles, ne seraient pas pour lui appropriées à une agriculture efficace. Permettez nous d’indiquer à Raymond Ndong Sima qu’il se trompe, car si nous pensons qu’il a raison de vouloir moderniser l’agriculture gabonaise, il ne faut pas qu’il prétende que nous soyons dans une situation de tout ou rien, car nos méthodes artisanales ont été efficaces dans le passé, non seulement au Gabon mais aussi ailleurs en Afrique ; et que si des pays comme le Cameroun et la Côte d’Ivoire sont des géants MONDIAUX dans certains secteurs agricoles, c’est grâce à ces méthodes artisanales d’abord, qui ont été par la suite améliorées. Donc quand il dit que nos méthodes sont mauvaises, c’est une fuite en avant car nos parents avaient des productions cacaoyères et caféières qui rivalisaient avec celles du Cameroun qui était 10 fois plus peuplé à l’époque. Nous produisions un tonnage d’hévéa qui était très appréciable à l’époque. Aujourd’hui, les 90% des plantations cacaoyères et caféières sont abandonnées, il y a aussi des centaines d’hectares d’hévéa qui sont abandonnés à la brousse. Ces abandons ne proviennent pas d’un manque de savoir faire des paysans ou de leurs descendants, mais plutôt du fait qu’après des décennies de productions concluantes, les soutiens à la filière café-cacao et hévéa furent arrêtés au Gabon. N’ayant plus un réseau d’acheteurs fiables et réguliers, et ne pouvant pas aller vendre eux-mêmes leurs produits aux acheteurs occidentaux sans l’entremise de l’état, les planteurs gabonais livrés à eux-mêmes durent abandonner car le secteur n’était plus rentable. Voila la principale raison de l’abandon par les gabonais de l’agriculture et non pas tant que ça le manque de technicité. Il faut aussi souligner qu’autour de ces cultures de rentes qui étaient très lucratives à l’époque pour nos paysans, il s’effectuait de la culture vivrière plus ou moins extensive dont les produits étaient écoulés dans les marchés locaux. C’est ainsi que la banane, le manioc et le taro gabonais dominèrent dans nos marchés par le passé. Il y a même eu des millionnaires agricoles au Gabon dans les années 60-70. Ce n’est qu’à partir du moment où les agriculteurs gabonais n’ont plus été en mesure de vendre à profit leurs cultures de rentes, qu’ils abandonnèrent les plantations pour d’autres activités car il fallait bien gagner de l’argent. Et c’est aussi à partir de ce moment là que le Cameroun est devenu le principal pourvoyeur du Gabon en produits agricoles.

2. La formulation des politiques agricoles est un exercice important et délicat
A la question de savoir pourquoi les gabonais se désintéressaient à l’agriculture, Raymond Ndong Sima a répondu que la raison était peut être due au manque d’exemple d’agriculteurs aisés au Gabon, et que si plus de gabonais voyaient les riches fermiers américains, ivoiriens, burkinabè ou camerounais, peut être que les gabonais comprendraient que le travail de la terre puisse rapporter gros. Mais Raymond Ndong Sima a oublié de préciser que dans ces pays, l’agriculture était un domaine de souveraineté très subventionné ; que dans ces pays, l’autosuffisance alimentaire était un objectif nationale, ce qui n’est pas le cas au Gabon où on consomme 80% de produits importés sans que personne ne s’en émeuve. Donc, comme dans les pays qu’il a cité, si Raymond Ndong Sima veut stimuler la production agricole au Gabon, il faut fortement la subventionner comme cela se fait dans tous les pays agricoles du monde. Même la France qui sert de modèle aux émergents, a une des subventions agricoles les plus élevées au monde. Si nous voulons que la banane plantain et les tubercules gabonaises dominent dans nos marchés, il faut :
a) Défiscaliser les outils, matériels et équipements agricoles en vue de favoriser leur achat par les des privés au revenus bas ou moyens.
b) Soutenir par des subventions le prix des engrais. Cette mesure fera chuter le prix d’achat des engrais et autres produits phytosanitaires de 40 à 50%, et les mettra a la portée de petits revenus
c) L’aménagement et le désenclavement des zones de production. Ceci est le plus gros problème aujourd’hui.
d) Susciter le dynamisme du marché interne et externe en créant des conditions d’écoulement de la production. On ne peut pas demander à l’agriculteur d’être à la fois à la plantation et au marché ; il faut une division du travail où chacun aura sa tache. Faute d’infrastructures adaptées, la production rurale pourrira comme par le passé et les agriculteurs vont se décourager à nouveau.

En somme, on ne peut pas ignorer qu’il faille faire des efforts considérables pour répondre aux besoins en vigueur si le Gabon doit retrouver ses lettres de noblesses agricoles. Un dispositif particulier peut, à très court terme, être mis en place pour commencer à régler certains problèmes relatifs à la commercialisation des produits de base dans une perspective de promotion du revenu des producteurs nationaux. La défiscalisation des outils et matériels agricole ainsi que la suspension des taxes à l’importation de certains engrais, devrait être poursuivie immédiatement. Au finish, un plan d’urgence avec ces composantes, devrait permettre d’enrayer progressivement le paradoxe de l’économie gabonaise qui importe en masse ce qu’elle peut produire (banane, taro etc.).

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