MARC ONA ESSANGUI’S OLSO SPEECH. LE DISCOURS D’OSLO DE MARC ONA ESSANGUI






Mesdames et Messieurs, distingués invités

Je commencerai mon propos par une citation d’un chanteur-poète de mon pays, le Gabon, Pierre-Claver Akendengué. Il dit ceci dans une de ces chansons « vivre sans vivre la liberté dans son pays n’est pas digne d’un peuple considérable. Mais tout peuple est considérable, considérable ».

Je fais partie de cette nation respectable. Une nation en Afrique centrale, riche en ressources naturelles et couverte de forets tropicales, peuplée seulement de 1,5 millions d’habitants. Je suis très honoré d’être parmi vous aujourd’hui, devant cette auguste assemblée en tant que représentant de la société civile gabonaise libre, représentant du peuple gabonais. Je suis devant vous, à l’image du peuple gabonais : handicapé, sur chaise roulante, mais pourtant debout, combatif et fier.

Je ne suis pas né handicapé, c’est une maladie, la poliomyélite qui m’a arraché ma mobilité. J’ai dû, dans des conditions très difficiles, me battre pour surmonter des obstacles et me retrouver devant vous aujourd’hui.

Si je parle de mon handicap physique, ce n’est nullement pour vous amener à vous apitoyer sur mon sort, ce serait faire injure à ce que cette cérémonie représente pour moi, c’est plutôt pour tirer une sorte de parallèle avec le handicap vécu depuis presque 50 longues années par le peuple gabonais, du fait d’une famille, la famille Bongo.

En apparence, le Gabon semble être un Etat moderne. Mais en réalité, nous vivons dans un système féodal dans lequel les seigneurs Bongo disposent des terres, des ressources et des hommes, selon leur bon vouloir ; et n’hésitent pas de commettre des crimes rituels pour se maintenir au pouvoir.

Depuis 1967, les Bongos se vantent de leur pays comme étant une démocratie mais en réalité ils le gouvernent comme des monarques absolus. Les institutions qui caractérisent une démocratie - les élections et les médias – existent, mais ils sont corrompus au service d’une famille et d’un clan au pouvoir. On peut aussi dire, sans pour autant verser dans l'excès de langage, qu’il y a du démon dans ce règne.

Jugez-en donc:

Depuis 41 ans, nous vivions sous le règne corrompu de Omar Bongo soutenu à bout de bras par la France de tous les partis.

La situation a empiré avec la prise du pouvoir par son fils, Ali Bongo Ondimba, le 3 Septembre 2009, par le biais d’un coup électoral. Ali Bongo a institué un Etat totalitaire en dissolvant les partis politiques et en violant les droits fondamentaux et les libertés, pourtant reconnus dans notre constitution comme des droits imprescriptibles et inviolables. Son règne persiste aujourd’hui et le résultat est que la majorité des citoyens Gabonais, comme moi-même, avons vécu toute notre vie sous le contrôle de la famille Bongo.
Il est pénible d’admettre cette amère vérité.

La Société Civile gabonaise dans son ensemble que je représente ici déplore la situation chaotique du pays.

Les besoins et priorités des Gabonais sont basiques. Ce sont les priorités de tout peuple désireux de se développer et de vivre dans des conditions décentes. Et, vu les richesses du Gabon, les demandes des Gabonais peuvent facilement être satisfaites si on n’avait à notre tête des personnes inhumaines, insensibles et antipatriotiques.Ali Bongo et les siens se vantent que le Gabon est un pays qui tend vers l’émergence, alors qu’il n’existe pas d'infrastructures de base.

Notre système sanitaire est tellement délabré que ces mêmes prédateurs sont contraints d’aller se soigner et même mourir à l’étranger, comme le cas récent de l’ancienne présidente du Sénat morte en France le 11 avril 2015.

Nous importons notre alimentation. Il y a de l’eau partout dans les rivières, les océans et les lacs mais pas dans nos robinets.

Nous avons du pétrole, que la compagnie nationale norvégienne a exploité, mais nous, le peuple gabonais ne bénéficions pas des profits.

Nous avons de l’uranium, le manganèse et le bois. Et évidemment, nous avons du vent et beaucoup de soleil.

Malgré ces richesses, l’électricité n’est pas quotidiennement rationnée et les prédateurs du gouvernement sabotent l’éducation publique pour perpétuer leur dynastie. Les Bongos ont pillé notre pays et sont même en train de brader nos forêts ancestrales.

J’ai pris conscience de tout ceci et je savais que je devais faire quelque chose pour arrêter ces dégâts. Alors en 1998, j’ai créé avec des amis une organisation dénommée BRAINFOREST.

Notre vision et notre mission c’est d’aboutir á une société Gabonaise dans laquelle l'environnement sera protégé avec la participation active des populations qui bénéficieront des retombées économiques de la gestion durable des ressources naturelles.

Etant donné le climat politique du pays, résister aux Bongos était très difficile. Mais nous avons travaillé et retravaillé. Finalement, nous avons découvert qu’un énorme projet minier nommé le projet Belinga, obtenu par une compagnie chinoise CEMEC, allait se réaliser et défôrester notre terre pour exploiter les mines de fer.

Tout commence avec la découverte d’une copie du contrat passé entre l’Etat gabonais et la compagnie chinoise CMEC. Il est stipulé dans ce contrat, par exemple, qu’en 25 ans d’exploitation de la mine, les dégâts environnementaux occasionnés seront sous la responsabilité de l’Etat gabonais. La construction du barrage sur l’un des plus longs fleuves du pays, l’Ivindo, proche de la capitale provinciale de l’Ogooué-Ivindo, constituait une menace pour l’équilibre des chutes Kongou, les plus belles d’Afrique centrale ; la forêt de l’Ivindo la deuxième zone forestière très riche en biodiversité mais également la ville de Makokou était menacée d’être inondée.

En 2006, nous avons commencé à nous opposer publiquement au projet. Notre stratégie a consisté à mettre la pression sur Exxim Bank, la banque chinoise amenée à le financer. C’était une transaction corrompue et nous avons dénoncé les fonctionnaires qui ont accepté des pots de vins pour signer ce contrat léonin.

Nous avons même entrepris une étude sur l’impact environnemental que causeraient les quatre composantes du projet : le barrage hydroélectrique, la ligne de chemin de fer, la mine et la route entre la chute et le village le plus proche.

Avec le support d’organisations locales et internationales, nous avons réussi à déclencher une controverse publique qui a provoqué l’arrêt du projet. Ce n’était pas facile – ils m’ont même jeté en prison pour un temps. Mais nos efforts ont forcé le Président Omar Bongo à demander une rencontre avec la société civile. Même dans son règne de dictateur, il a dû nous affronter. J’étais chargé de lui transmettre un message clair – que nous étions contre le projet.

A l’issu de la rencontre, le Président décide de créer une commission interministérielle chargée du contrôle du projet Belinga qui intègre la société civile ainsi que la renégociation du contrat.

Je suis heureux de dire que nous avons gagné. Depuis 2008, le projet a été suspendu, les chinois mercantilistes ont quitté le projet et le pays est à la recherche d’autre investisseurs.

Cet exemple est la preuve que les organisations environnementales peuvent réussir, même dans les environnements politiques les plus difficiles. Cet exemple montre aussi les risques que nous prenons pour défendre les droits des plus faibles.

Nous continuons de prendre ces risques. Récemment, j’ai été condamné a 6-mois de prison avec sursis pour diffamation, parce que j’ai accusé le Chef de cabinet du Président de détenir, secrètement, des intérêts dans Olam Gabon qui s’accapare de nos terres pour le palmier à huile et l’hévéa. Je l’ai accusé à la télévision et cette vérité cachée ne leur a pas plus. Mais je continuerai à dire la vérité et affronter le pouvoir.

Je voudrais vous assurer d’un fait: nous partageons, vous et nous, les mêmes valeurs. Comme vous, nous défendons la vie. Comme vous, nous croyons en la démocratie. Comme vous, nous sommes attachés à la liberté d’expression. Comme vous, nous croyons que l’Etat doit être fort et juste, qu’il doit protéger les faibles et garantir la sécurité des puissants. Comme vous, nous savons que l’Afrique finira nécessairement par s’éveiller et par offrir à ses populations la qualité de vie à laquelle elles aspirent légitimement. Comme vous, nous soutenons les progrès scientifiques, technologiques et sociaux.

C’est pourquoi je vous remercie de m’avoir invité à cette importante assemblée, de m’avoir écouté, d’avoir écouté la voix du peuple gabonais.
Notre combat, mon espoir est que le Gabon devienne une République et non pas une propriété qu’un dictateur cède à son fils pour qu’il l’utilise à son bon vouloir.

Pour nous aider dans ce combat qui ressemble à celui de David et Goliath, les fondations et organisations internationales devraient nous appuyer dans la lutte contre la corruption et contre l’exploitation abusive de nos ressources. Nous avons besoin de support technique, d’attention médiatique, et de support financier et matériel.

Le support est crucial dans un pays comme le nôtre où les organisations non gouvernementales et libres ne reçoivent pas de subventions de l’Etat mais sont plutôt encouragées à disparaître. Seuls les appuis internationaux pourront nous aider à atteindre la victoire et de manière indépendante.

Aujourd’hui je suis guidé par le thème du Oslo Freedom Forum de cette année.

Vivons dans la vérité !

Je vous remercie

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