THE SPEECH BY ALBERT ONDO OSSA! L’ALLOCUTION D’ALBERT ONDO OSSA!

Albert Ondo Ossa (photo: Assises Democratiques de la Societe Civile)







Monsieur le Coordinateur de la société civile gabonaise,
Mesdames et messieurs, les membres de la société civile gabonaise,
Mesdames et messieurs les membres des délégations étrangères,
Mesdames et messieurs les membres de la diaspora,
Mesdames et messieurs les participants aux assises nationales et démocratiques de la société civile,
Honorables invités, en vos titres, grades et qualités,
Gabonaises et Gabonais de souche comme d’adoption,

Mesdames et Messieurs,

Nous sommes tous réunis pour les premières assises nationales et démocratiques de la société civile libre, qui marquent un tournant essentiel de l’évolution démocratique de notre espace pour les prochaines décennies ; décennies au cours desquelles l’Afrique francophone, d’une manière générale, et notre pays en particulier, doivent rompre avec le passé pour se tourner résolument vers l’avenir. Malheureusement, l’avenir apparaît aujourd’hui bien sombre pour notre pays le Gabon, malgré les déclarations et les statistiques officielles, en raison précisément de la gouvernance opaque, approximative, hasardeuse, inadaptée et caduque de notre Etat.

En effet, la gouvernance actuelle du Gabon relève en grande partie d’un autre temps et procède d’un modèle éculé, parce qu’elle n’intègre ni la nouvelle configuration du monde, ni les mutations en cours aussi bien à l’intérieur du pays qu’à l’extérieur. Elle nous ramène à l’ordre ancien, où le pouvoir était monolithique et où les décisions relevaient de l’avis du seul pouvoir politique. Le chef de l’exécutif se levait un matin pour dicter que chacun se penche à gauche et il en était ainsi. Il se réveillait le lendemain pour recommander le contraire et tout le monde marchait, mieux applaudissait.

Il n’en est plus ainsi aujourd’hui, n’en déplaise aux nostalgiques. Bien révolu le temps où les décisions qui concernent tout le monde relevaient du seul pouvoir politique au sommet. Du fait de la multiplicité des centres de décision, aucun Etat moderne ne se gouverne plus seulement et simplement au sommet. On se préoccupe partout ailleurs de prendre en compte l’avis des multiples autres acteurs de la nation : syndicats, lobbies, cercles d’intelligences, organisations et autres cercles de décision.

Ainsi, la politique, voire la décision politique, n’incombe plus à une petite classe de privilégiés, regroupés autour des intérêts sectaires et attachés à leurs privilèges. Les décisions publiques incombent désormais à tous puisqu’elles nous engagent tous. Cela ne signifie nullement que tout le monde devrait être président, ministre et autres, loin s’en faut. Mais il est temps de comprendre que ces fonctions ne devraient d’aucune façon être l’apanage des membres d’une seule famille, d’un seul clan et d’une seule secte. Tout citoyen (fils de paysan ou de président, fils de pauvre ou de riche, membre ou non d’une secte, nanti ou démuni) peut y aspirer légitimement.

De plus, le débat politique n’est plus réservé aux seuls politiques ou à ceux qui se déclarent comme tels, aux seuls membres des partis et autres associations politiques (reconnues ou non). Le débat politique est désormais ouvert à tous et pour tous. Tous, je dis bien tous, quels que soient nos statuts, nous devons nous occuper désormais de la politique puisqu’elle s’occupe jusque-là si mal de nous. On n’est jamais mieux servi que par soi-même. Et il appartient à la société civile d’y veiller.

Le monde actuel est un monde de liberté et de démocratie participative, où le citoyen a son mot à dire. C’est pourquoi la société civile a un rôle essentiel à jouer dans la nouvelle configuration des politiques publiques et dans les mutations politiques en cours. C’est cela qui justifie ma participation aux présentes assises.

Si j’ai accepté d’y prendre part et même de les présider, c’est parce que j’ai foi en la société civile. Elle me semble mieux à même de dire et surtout de faire ce qu’aucun parti, aucune formation politique n’a pu faire depuis 1990.

En effet la société civile, parce qu’elle regroupe les organisations syndicales et patronales (les « partenaires sociaux »), les organisations non gouvernementales, les associations professionnelles, les organisations caritatives, les organisations de base, autrement dit les organisations qui impliquent les citoyens dans la vie de la société (nationale ou locale), en a parfaitement les compétences, forte de son auto-organisation, en dehors de tout cadre institutionnel (au sens politique du terme), administratif ou commercial.

Rappelons pour mémoire que le concept de « société civile » n’est pas nouveau. Il remonte à l’antiquité grecque car Aristote parlait déjà de « société citoyenne », autrement dit une société composée de personnes qui défendent leurs intérêts, sans l’interférence de toute instance étatique. L’idée d’une société civile conçue comme une sphère d’action différente de l’Etat apparaît pendant le siècle des Lumières. Elle a été par la suite développée par des auteurs tels que John Locke, Charles De Montesquieu, qui ont mis l’accent sur l’autonomie des citoyens par rapport à l’Etat et par rapport à la sphère privée et économique que représente la société.

Plus tard, Alexis de Tocqueville a considéré la société civile comme le lieu de naissance et d’exercice des vertus citoyennes, en fait une « école de la démocratie et de la liberté », qui de fait devient une instance politique publique, chargée d’observer et critiquer les agissements de l’Etat. Plus intéressante est l’acception qu’en fait le philosophe Hegel, pour qui la société civile constitue un espace indépendant, hors de la sphère naturelle de la famille et de la sphère, plus élevée, de l’Etat.

Je voudrais particulièrement insister sur les trois missions qui incombent aujourd’hui à la société civile dans notre pays, le Gabon :

1°) une mission de protection des citoyens contre l’arbitraire étatique ;

2°) une mission de contrôle, appelée également « mission de sécurisation de la liberté par la négative », qui consiste en l’observation et le contrôle du pouvoir politique. Il s’agit, entre autres, du contrôle des élections, en vue d’en garantir le déroulement équitable, dans le respect des règles fondamentales de la démocratie ;

3°) une mission de démocratisation, grâce à laquelle – et surtout pour une jeune démocratie comme la nôtre - elle contribue au processus de formation de l’opinion (l’éducation de l’électorat).

Les différentes missions ainsi déclinées apparaissent d’autant plus importantes que notre pays traverse une situation difficile. Il suffit à cet effet de se référer à l’étude de prospective Gabon 2025, que j’ai eu l’honneur de coordonner de 1993 à 1997, où un scénario catastrophe a été élaboré pour attirer l’attention des Gabonais sur ce qui nous guette. Personne ou presque n’y a prêté attention. Ce scénario intitulé « le chien errant » est malheureusement en train de se réaliser sous nos yeux. Il s’agit d’une situation où le Gabon, hier pays envié, est rejeté par tout le monde et partout dans le monde. L’étude l’exprime en ces termes : « La communauté internationale, davantage préoccupée par la mondialisation de l’économie en ce début du 21ème siècle, … abandonne le Gabon à son sort, comme un chien errant, ce pays est devenu trop encombrant, parce peu crédible, peu rentable par rapport à ses voisins ».

Le message distillé à travers un tel scénario est le suivant : « La mauvaise gestion, l’absence de démocratie, l’intégrisme tribal et autres formes de fanatisme, plus que les tendances internationales défavorables, sont préjudiciables à la paix et au développement ». C’est dire que si nous n’y prenons garde, notre pays va à la dérive. Mais que l’on ne s’y trompe pas, une partie du Gabon ne s’écroulera pas en laissant debout une autre. Personne ne sera épargné, ni aucune famille (riche ou pauvre), ni aucune ethnie (du nord ou du sud), aucun clan, aucune confrérie et autre association.

Dans ce qui nous arrive, il est temps que chacun fasse son bilan. Ceux qui hier ont exercé des responsabilités, qui hier ont fait mal au pays et sont comptables de la situation actuelle, parce qu’ils ont plus joué pour leurs intérêts propres, au détriment de ceux du pays, doivent faire amende honorable et demander pardon. Il n’y a pas de honte à cela. D’autres l’ont fait avant eux. Ce fut d’abord le cas du feu Président Omar BONGO ONDIMBA, il a confessé publiquement ses fautes, le peuple a pardonné et lui a réservé des obsèques que personne n’aurait pu imaginer. Plus tard, feu André MBA OBAME l’a fait, c’était la même chose. Le peuple gabonais s’est retrouvé en lui sans distinction de tribu, d’ethnie et de race. De quoi rire au nez des tribalistes véreux et autres sectaires malveillants. André MBA OBAME est devenu un symbole. Monsieur René NDEMOZOGO l’a fait récemment, il s’en est plutôt bien sorti. Les autres doivent s’y résoudre et nous dire comment ils comptent réparer leurs fautes.

Chers participants, le problème de l’heure n’est pas le positionnement de tel ou tel comme candidat à la prochaine élection présidentielle. Ce n’est pas la priorité du moment. Il ne s’agit nullement d’une course de vitesse où ceux qui partent les premiers auraient un avantage comparatif, ni d’un concours de gros sous, où ne gagnerait que celui qui en a le plus amassé, qui a le compte bancaire le plus garni.

Ne nous y trompons pas. Le Gabonais aspire certes à l’alternance au sommet de l’Etat mais pas à n’importe laquelle et à n’importe quel prix, en tout cas pas à une alternance qui perpétue l’ancien système. De telles candidatures, assurément précoces, n’intéressent, autant s’en convaincre, personne. L’heure n’est donc pas aux candidatures, ni aux soutiens factices et sectaires. Il s’agit ici d’une course de fond où doit prévaloir l’être et non l’avoir, de manière à sauver le Gabon du marasme.

Le problème n’est pas non plus de se montrer particulièrement critique, agressif voire virulent avec le Président Ali BONGO et son pouvoir, cela n’intéresse pas non plus la population. Tout le monde sait que le Président Ali BONGO et son système ne sont pas capables de redresser le Gabon, même s’ils le voulaient. C’est contre leur nature. Ils en ont fait suffisamment la démonstration au cours du septennat qui s’achève.

Le problème n’est pas par ailleurs de dénoncer urbi et orbi le mauvais état des routes, l’état de délabrement de nos hôpitaux, de notre système éducatif. On n’a entendu que cela depuis 1990 et rien ou presque n’a changé, puisque malgré de telles récriminations, il n’y a jamais eu d’alternance au sommet de l’Etat. La population gabonaise a soif du vrai discours et il s’agit de dire clairement comment sortir de l’impasse, comment le Gabonais peut-il mieux se nourrir, mieux se loger, mieux scolariser ses enfants, mieux se soigner … Comment parvenir à une véritable alternance au sommet de l’Etat et sortir notre pays du marasme ?

Une question me vient alors à l’esprit : comment peut-on objectivement rechercher la solution d’un problème non identifié ou sous identifié, non cerné et non analysé ? D’autant que, généralement, ce qui importe c’est la manière dont on identifie, classifie et ordonnance les différents problèmes, qu’on procède à leur juste analyse, qu’on définit la stratégie globale, ensuite les priorités et qu’on déroule enfin les séquences de mise en œuvre des actions prioritaires.

A y regarder de près, si je peux me permettre, le Gabon n’a à mon sens qu’un seul problème, qui est le fondement de tous les autres : un réel problème de spiritualité. En fait, le Gabonais manque de spiritualité. Il adhère aujourd’hui à tout, prend tout et capte tout. La conséquence en est qu’il perd tous les repères. Or, lorsqu’il n’y a pas de repère, il ne peut y avoir de l’ordre car tout ordre suppose une norme, une référence ; et s’il n’y a pas de référence, tout devient désordre car en dehors du bon ordre.

Dites-moi, comment peut-on être à la fois chrétien ou musulman, animiste, franc-maçon, rosicrucien, « bouitiste », adepte du « vodou », fétichiste, et que sais-je encore ? On pense ainsi accumuler de la connaissance mais on joue plutôt à l’horizontale, on fait du sur place car il n’y a aucune avancée, aucune élévation. On s’élève véritablement, me semble-t-il, qu’à l’intérieur d’une filière, ce qui permet d’avoir au départ non une débauche d’énergie mais une concentration d’énergie.

Comment peut-on être actif à la fois et le jour et la nuit ? A quelle heure se repose-t-on ? Quelle performance diurne peut-on objectivement attendre de quelqu’un qui travaille la nuit ? Pire, on en est à confondre le jour et la nuit, alors que le jour est bien différent de la nuit et que les activités sont bien réparties entre celles du jour et celles de la nuit.

Certes, certaines catégories de personnes sont autorisées à pratiquer (travailler) la nuit pour récupérer le jour. Mais, généralement, de telles catégories sont dispensées du travail diurne et surtout du travail physique.

Alors, comment pense-t-on, dans une telle confusion des termes et des genres, gagner la bataille du développement ?

Si l’on se situe sur le plan scientifique, le temps est fini - et bien fini - celui où on était à la fois mathématicien, physicien, chimiste, médecin, économiste et philosophe. Il faut opter pour une discipline et s’y réaliser. Le mélange des termes et des genres est contre-productif et surtout ne permet pas de parvenir à l’excellence. On ne peut être à la fois cordonnier et maçon. C’est cela qui fait en sorte que certains se croient indispensables et en mesure de parler de tout et de traiter de tout. Cela fait non seulement désordre mais en plus frise l’incompétence, voire l’ignorance. Il faut opérer un choix en fonction des aptitudes que Dieu nous a données.

Le manque de spiritualité crée dans le pays un réel problème de gouvernance (politique, économique, sociale…). A cause du manque de référence et de norme, le Gabonais souffre aujourd’hui d’une maladie chronique : la recherche de la grandeur et de la puissance, ce qui fait que tout jeune est déjà corrompu dans sa mentalité. Il ne sait pas attendre, prendre le temps de se former réellement, acquérir de l’expérience et se bonifier, mais il veut tout et tout de suite, quitte à user de tricherie et de roublardise.

Aussi, le Gabonais court-t-il aujourd’hui derrière tout : les grades, les honneurs, les postes sans en avoir nécessairement les aptitudes et les compétences. Rien ne se fait plus par vocation mais par intérêt. On veut être maître d’école ou infirmier, juste parce que c’est ce qui est à portée de main et non parce qu’on pense s’y réaliser en accomplissant le plan de Dieu. On veut accéder à la magistrature suprême non pour relever les Gabonais et construire le Gabon de demain mais pour empêcher telle ethnie d’y accéder ou pour freiner l’avancée de telle catégorie de personnes. On s’oppose à Ali BONGO non pas pour construire une société meilleure mais juste parce que ce dernier ne serait pas Gabonais de souche, parce qu’il gêne certains intérêts financiers ou pour en finir avec la dynastie BONGO. Est-ce louable ?

Chers compatriotes, nous trichons avec Dieu et avec nous-mêmes, au point que nous n’avons plus la bonne échelle de valeur. Dans une configuration où tout le monde se croît capable de tout, parce que semble-t-il tout se monnaye, la conséquence est implacable. A côté d’un vrai, on compte au minimum cinq faux. Le Gabon devient ainsi le théâtre d’opération et le champ de prédilection des fausses écoles, des faux diplômés, des faux ingénieurs, des faux journalistes, des faux médecins, des faux docteurs, des faux professeurs, des faux francs-maçons, des faux prophètes, des faux patrons d’entreprises, des faux banquiers, des faux experts et que sais-je encore. Comment alors s’étonner du fait que les propositions faites ça et là soient bancales et les actions entreprises totalement contreproductives.

Ainsi, voulant brouter à toutes les prairies, de nombreuses personnes crient fort le jour et sont candidates à l’émargement la nuit, sont opposants le jour et partisans la nuit, se montrent virulents le jour et négocient les postes la nuit, prônent l’union et la dynamique unitaire le jour et cultivent le tribalisme et l’exclusion la nuit. Elles simulent par ailleurs la peur, prétendent être traquées et maquillent les agressions pendant que d’autres subissent des agressions à l’arme blanche, sont tués par balles et sont victimes d’empoisonnements. Jouant avec la vie d’autrui et nullement inquiétées, elles se pavanent car sachant en définitive où elles se retrouvent avec leurs supposés détracteurs. De qui se moque-t-on ?

Un tel manque de sérieux et de positionnement ne peut conduire à l’alternance.

Une question : que peut-on honnêtement attendre d’une classe d’affairistes véreux, sans repère ? Ayant pactisé avec le diable, ces derniers ne reculent devant rien et n’ont de respect pour personne, encore moins pour les institutions qu’ils sont sensés incarner. N’ayant pas d’état d’âme, ils sont prêts à abattre tout ce qui s’élève contre eux, prêts à tout casser, à se débarrasser des gêneurs, des empêcheurs de tourner en rond, quel que soit leur nombre. Aucun interdit n’existe pour eux.

Les dégâts importent peu, la seule chose qui compte, c’est la position actuelle qu’il faut maintenir à tout prix. Ni les lois, ni les règles, ni les principes, ni les procédures, rien n’a de valeur à leurs yeux et encore moins la vie humaine. Que cinquante meurent par jour faute de soins, ce n’est pas leur problème, que les routes se détériorent, ils n’en ont rien à faire. Que les années scolaires ne soient pas bouclées, que les cours ne soient pas dispensés, que les diplômes soient faux ou complaisants, ils ne se sentent nullement concernés. Que l’administration soit bloquée et que personne ne travaillent, cela n’a pas d’intérêt pour eux. Que le climat politique se dégrade, ce n’est pas leur souci et plus on les critique, mieux ils se portent. Aucune opinion publique ne les ébranle.

Chers participants, face à une telle arrogance et à un tel mépris, face une telle indécence et à une telle confusion entre avoir, pouvoir et savoir, ni la force des muscles, ni la virulence des propos, ni les dénonciations tapageuses, ni les déclarations de candidatures intempestives et tonitruantes n’apparaissent comme des solutions crédibles et efficaces, pas plus que les discours édulcorés pour séduire et penser être épargné.

A dire vrai, cette espèce dévore et détruit tellement tout à son passage, qu’elle finira tôt ou tard par s’auto-dévorer et s’autodétruire. Aussi, les présentes assises doivent-elles contribuer à tracer la voie, à orienter les Gabonais vers ce qui est principal, ce par quoi on doit commencer pour l’avènement de ce que j’appelle « le Nouveau Gabon », qui passe inexorablement par une alternance crédible au sommet de l’Etat.

Je voudrais à cet effet ouvrir quelques pistes de réflexion et donner quelques repères. Trois choses me semblent importantes aujourd’hui :

- revenir au bon ordre ;
- éviter les faux combats ;
- se focaliser sur l’essentiel.

1°) Il est important pour le Gabon de revenir dès à présent au bon ordre, c’est dur mais c’est possible ! Cela signifie que chacun doit se redéfinir par rapport à une norme, un métier, une structure, voire par rapport à une croyance. Ce n’est qu’à cette condition que la diversité est salutaire : un maître maçon (un vrai) aura loisir de parler avec un maître du « BOUITI » (un vrai), avec un imam, un évêque ; ils sauront quoi se dire. Parce que respectueux chacun de son propre ordre, il acceptera facilement de cohabiter avec l’ordre d’autrui et aura le respect du niveau et du grade d’autrui, ainsi que de la personne humaine et de la vie. Chaque Gabonais doit désormais reconnaître ses limites et n’occuper que la place qui lui sied pour le service de la société. C’est à cette condition seule que la construction du « Nouveau Gabon » est possible, sur la base des règles acceptées et respectées par tous.

2°) Il est important d’éviter les faux combats dans lesquels nous sommes empêtrés. Le peuple a marre des faux combats.
La première catégorie concerne des combats essentiellement tribalistes :

- il y a faux combat lorsqu’un « Fang » s’active à se porter candidat à l’élection présidentielle parce que simplement les « non Fang » sont au pouvoir depuis cinquante ans et qu’il faut y mettre fin ;

- Il y a faux combat lorsqu’un « Fang » se débat pour apporter son soutien à une candidature « non Fang » par le fait que, dans la situation actuelle, la seule façon de parvenir à l’alternance est de présenter une candidature « non Fang » qu’on aura tôt fait de désigner ;

- Il y a faux combat lorsqu’un « non Fang » se démène à se porter candidat à l’élection présidentielle, juste pour s’opposer à toute perspective de la venue d’un « Fang » au pouvoir ;

- Il y a faux combat lorsqu’un ressortissant du Sud (« Punu ») remue terre et ciel pour se porter candidat à l’élection présidentielle juste parce que le pouvoir ayant été occupé successivement par un « Fang » et deux « Teke », la place doit revenir aujourd’hui à un « Punu » ;

- il y a faux combat lorsque les ressortissants de la province du Haut-Ogooué font feu de tout bois pour se coaliser autour d’une candidature unique du Haut-Ogooué afin de préserver « leur pouvoir ».

La deuxième catégorie de faux combats comprend les combats d’ordre financier, juridique et administratif :
- il y a faux combat lorsque certains s’emploient à apporter leur soutien à un candidat au seul motif que ce dernier est nanti, donc mieux à même de supporter les charges d’une campagne électorale ;

- il y a faux combat lorsqu’on focalise l’attention sur la nationalité du Président de la République et sur celle de ses collaborateurs ;

- il y a faux combat lorsqu’on dépense de l’énergie à s’interroger sur la capacité des institutions en place à dire le droit. A ce propos, oublierait-on que ceux qui s’investissent dans de ce dernier combat sont précisément les mêmes qui, lors de la dernière élection présidentielle en 2009, ont déclaré urbi et orbi André MBA OBAME vainqueur au sortir des urnes ; c’était avec quelles institutions ?

- il y a faux combat lorsqu’on pose comme préalable à l’organisation de la prochaine élection présidentielle dans notre pays la mise à plat des institutions et surtout la révision constitutionnelle. Or, avec une Assemblée Nationale quasiment monocolore, ni la voie parlementaire qui en dépend, ni la voie référendaire qui dépend du Président de la République ne sont possibles (art. 18 de la Constitution). Il ne faut pas distraire les Gabonais.

Certes, toutes ces questions ne manquent pas d’intérêt, mais je n’en vois ni l’opportunité, ni l’efficacité. Ce n’est pas la priorité, chaque chose en son temps et à chaque acteur ses missions spécifiques. Même si la question de savoir si le Chef de l’Etat actuel est ou non coupable de faux et d’usage de faux préoccupe plus d’un, les acteurs politiques doivent prioritairement concentrer leurs énergies ailleurs. De tels combats sont pour l’heure contre-productifs, car depuis qu’on s’y emploie, qu’est-ce qui a changé ? Il faut les laisser à d’autres acteurs (les journalistes, les juges, …) mieux armés pour.

De même, réclamer à tout vent une conférence nationale - comme si ce type de forum n’avait jamais eu lieu au Gabon - est mesquin. Quelles leçons tirons-nous des dernières concertations (la conférence nationale de 1990 et les accords de Paris de 1994) ? N’ayant nullement conduit à l’alternance au sommet de l’Etat, elles n’ont fait qu’amplifier le mal du pays. En dehors du fait que ce type de forum coûte cher pour un pays exsangue, la finalité non avouée est, d’une part, parvenir très rapidement et sans effort à un partage du gâteau (les portefeuilles ministériels et les postes juteux) entre les mêmes (politiciens, copains - coquins et autres fraters) et, d’autre part, un moyen de retarder l’échéance par la mise en place d’une transition qui prolongerait nécessairement le mandat du Chef de l’Etat actuel.

Chers participants, les faux combats constituent un trompe-l’œil, en fait un stratagème pour décrédibiliser toute perspective d’alternance au Gabon et favoriser la réélection par défaut du Président Ali BONGO en 2016 ou plutôt, le verdict des urnes lui étant d’avance défavorable, sa cooptation par la Communauté internationale (la France et les autres partenaires), faute d’alternative crédible. Il ne nous est pas permis de jouer autant avec la vie des autres et l’avenir de tout un pays. Le peuple souffre. Les Gabonais souffrent réellement. Nous ne nous en rendons peut-être pas compte assez, derrière nos situations relativement plus confortables.

3°) Il faut se concentrer sur l’essentiel et, en cela, une seule question me semble importante aujourd’hui : comment faire respecter le résultat des urnes car c’est bien de cela qu’il est question ? Ali BONGO n’est au pouvoir que parce que le verdict des urnes n’a pas été respecté en 2009 et tout le monde le sait. Pourquoi alors se fourvoyer ?

La marge de manœuvre apparaît certes étroite mais elle est jouable. Pour parvenir à une alternance crédible au sommet de l’Etat, il est nécessaire d’adopter une stratégie dont les principales composantes sont les suivantes.

1ère composante : opter pour un discours crédible et responsable, vis-à-vis de la population, d’une part, et vis-à-vis de la Communauté internationale, d’autre part. La crédibilité auprès de la population se mesure à la pertinence du propos, à la justesse des propositions et à leur opportunité. Le rêve, l’illusion, les constructions romanesques et autres propositions fantaisistes ne sont nullement permis à quelques mois de l’échéance. De plus, il faut se refuser à utiliser les mêmes armes que le pouvoir actuel. On ne peut combattre la violence par la violence, l’insulte par l’insulte, le mensonge par le mensonge, le peuple n’est plus dupe.

Comment bâtir un pouvoir sur le mensonge éhonté, sur le déshonneur et la perfidie ? Comment pense-t-on faire respecter les lois et s’en prévaloir quand on les viole soi-même ? Un véritable pouvoir ne bluffe pas, dit vrai et pratique la justice pour réaliser le bonheur de la population. Nous devons aspirer à un pouvoir qui reconnaît ses erreurs et oeuvre chaque jour pour gagner la confiance de son peuple. Un vrai pouvoir ne met pas une partie de la population contre l’autre, une partie de la nation contre l’autre, mais œuvre pour gagner à soi une partie de plus en plus grande de la population, grâce aux actes posés et à la manière de se mettre au service du peuple, de prendre en compte ses malheurs, ses déboires et d’y compatir à défaut de les résorber. C’est dire que les leaders politiques et ceux de la société civile, qui désirent réellement l’alternance au sommet de l’Etat, doivent abandonner les dénonciations calomnieuses, les insultes et même la rhétorique, les laisser à d’autres acteurs pour s’attaquer à l’essentiel. Le reste n’est que faux-fuyant.

La crédibilité vis-à-vis de la Communauté internationale s’apprécie, quant à elle, par la qualité du discours, son caractère rigoureux mais pondéré, sans attaques personnelles, les actes posés, leur cohérence, leur sérieux. Il y a ensuite la nature, la qualité et la vraisemblance des propositions faites, enfin le respect des engagements pris et la pertinence des engagements pour l’avenir.

2ème composante : prendre en compte la nature et l’état d’esprit de nos populations. Ne soyons pas aveuglés. Le Gabonais est désabusé. « Il est fatigué ». Il ne faut pas attendre de lui qu’il aille dans la rue se faire tirer dessus et se faire tuer. Aussi, toute stratégie de prise de pouvoir doit-elle exclure tout affrontement physique ou armé. Personne ne sortira gagnant de ce type d’épreuve et encore moins le peuple. Le Gabon a une faible population. Nous comptons aujourd’hui au maximum 890.000 Gabonais, ce qui signifie qu’un mort Gabonais équivaut à 25 morts au Burkina, 27 au Cameroun et en Côte d’Ivoire, 90 au Congo démocratiques et 270 au Nigéria.

3ème composante : ignorer totalement le pouvoir et n’engager aucune négociation avec lui. Après moult tentatives, il faut se faire à l’idée que toute entreprise de négociation directe (ou indirecte) avec le pouvoir actuel est contreproductive. Tous ceux qui s’y engagent font fausse route ou voguent à contre-courant. Le pouvoir actuel a un cœur endurci, il ne cèdera sur rien. Penser le contraire est un leurre. A moins que la Communauté internationale l’y oblige et, dans ce cas, la seule négociation de mon point de vue envisageable porte exclusivement sur les conditions de son départ.

A ce propos, une commission des présentes assises devra nécessairement s’y pencher et préparer un texte sur les garanties à apporter à lui-même, sa famille, ses proches, à savoir la vie sauve, la sécurité et même un minium de confort. Ali BONGO doit en cela bénéficier du statut d’ancien Chef d’Etat. Les mêmes garanties doivent prévaloir pour la famille de feu Président Omar BONGO ONDIMBA.

Une autre commission du présent forum devra traiter des dédommagements par l’Etat à toutes les familles et personnes victimes des agressions et autres répressions du pouvoir depuis 1967. Cette dernière commission devra se muer, après les présentes assises, en une commission « justice, paix et réconciliation » élargie aux autres partis sans exclusives sous la supervision des Nations Unies et de l’Union Européenne.

A moins d’un an de l’échéance, la priorité est indéniablement la négociation avec les partenaires occidentaux pour un vote crédible au Gabon et surtout pour que le verdict des urnes soit respecté. Que l’extérieur (la France, les Etats Unis d’Amérique, les Nations Unies, l’Union européenne, la Francophonie…) nous garantisse le strict respect des résultats des urnes et nous préserve d’un coup d’état électoral. Ils l’ont fait par ailleurs et c’est possible chez nous. C’est cela le vrai combat.

4ème composante : Faire preuve de lucidité et de clairvoyance : il faut reconnaître que la dynamique unitaire est une bonne chose, mais elle n’implique pas nécessairement l’adhésion au Front Uni de l’Opposition, ni les retrouvailles dans un parti ou un syndicat. Le choix du candidat unique pour l’alternance (si candidat unique il y a) ne saurait être ni décrété, ni le fait d’un dictat. Il ne doit pas non plus être précipité. La société civile ne doit pas se laisser prendre au jeu. Pour opérer un choix optimal, elle doit passer en revue tous les candidats potentiels, quelle que soit leur appartenance politique, ethnique, sectaire et autres, chacun avec ses atouts et faiblesses, confronter leurs passés, leurs pratiques, leurs programmes pour choisir le moment venu, lorsque les choses se préciseront, celui qui est le mieux à même de fédérer les Gabonais autour de sa candidature parce qu’il a la meilleure stratégie pour sortir notre pays du marasme.

A cours des présentes assises, la société civile gabonaise doit définir une stratégie claire et un plan d’action cohérents, crédibles et inclusifs, en vue de l’avènement du « Nouveau Gabon » auquel nous aspirons tous. La raison en est le manque de clairvoyance des partis et autres associations politiques, rongés aujourd’hui par des intrigues, des parricides, des alliances contre nature et autres trahisons, au point que ces derniers n’apparaissent pas capables de concevoir de grands projets d'avenir, en vue d’une alternance rassurante, susceptible de changer fondamentalement la société gabonaise et d’améliorer le sort de nos populations. Un tel plan pourrait s’articuler autour de deux axes.

Axe 1 : Dynamiser l’action à l’internationale pour montrer à nos partenaires que leurs intérêts ne peuvent être garantis lorsque le peuple crie et que la misère sévit. Nous sommes tous perdants au change. Il faut se rendre l’évidence, le pays ne plus fonctionner normalement tant qu’Ali BONGO est Chef de l’Etat. Deux éléments justifient cela :

1°) les Gabonais ne le supportent plus. Ali BONGO semble faire l’unanimité contre lui, dans sa famille biologique, dans sa famille politique (son parti) et a fortiori dans l’opposition. C’est un homme seul qui fait pitié ;

2°) avec un cœur endurci et conscient du rejet dont il fait l’objet, l’homme n’a plus ni la lucidité, ni le recul et ni la hauteur nécessaires à l’exercice de la fonction de Chef d’Etat, surtout dans un pays en crise. Plus il sera maintenu, plus la situation va se détériorer.

Autant de raisons qui conduisent à réclamer, dans le meilleur des cas, la démission du Président Ali BONGO et l’application des dispositions constitutionnelles en vue de l’élection d’un nouveau Président de la République qui, doté de la légitimité nécessaire, entreprendra en conscience toutes les réformes dont le pays a besoin.

Il ne s’agit ni de haine, ni de fixation sur la personne du Chef de l’Etat, loin s’en faut. La vérité est que son départ apparaît désormais comme la solution au mal du Gabon et plus tôt il partira, mieux tout le monde se portera. En tout cas, tout mois supplémentaire sera un supplice pour lui-même, pour son entourage et pour le peuple. Aussi est-il du devoir de la Communauté internationale de répondre favorablement à l’appel du peuple gabonais en faisant pression sur Ali BONGO pour qu’il démissionne, d’une part, et de s’impliquer davantage dans le processus électoral pour faire valoir le choix des Gabonais, d’autre part. La contrepartie en est un engagement responsable de ceux qui prétendent à la fonction présidentielle, en cas d’alternance, pour un partenariat gagnant-gagnant, qui préserve à la fois et leurs intérêts actuels et ceux des Gabonais. Ce n’est nullement incompatible.

Axe 2 : Jouer pleinement notre partition, ce qui revient à travailler à l’interne pour redonner au bulletin de vote sa place, chose pas facile du reste, qui implique une action continue dans deux directions :

1°) maintenir l’espoir des Gabonais et les convaincre de la possibilité d’une alternance au sommet de l’Etat sans heurts, dans la paix, le calme et la détermination avec l’aide de la Communauté internationale. Il s’agit donc de travailler dès à présent au corps l’électorat, un travail de proximité dans les bars, les sous-quartiers, les rues, les bureaux, les maisons, les villages…, de l’éduquer et le former pour qu’aucun bulletin ne soit perdu ;

2°) créer les conditions de la victoire et pour cela se préparer sérieusement à investir, lors du scrutin, tous les bureaux de vote du Gabon (environ 3.000 bureaux, à raison de 3 personnes par bureau, cela fait au moins 9.000 personnes sures à mobiliser et à former) et déployer toutes les stratégies, pour qu’au jour dit, le peuple gabonais prenne sa revanche, quelles que soient les manœuvres sordides du pouvoir en place. Le Gabonais, qui ne dit rien aujourd’hui et observe attentivement tous les acteurs politiques, attend impatiemment ce jour. Nous n’avons pas le droit de lui faire perdre espoir par des louvoiements sans intérêt.

Chers participants, nous devons rester vigilants et, pour ce faire, garder en mémoire les couplets 2 et 3 de notre hymne national, que vous voudrez bien me permettre de clamer :

« Oui que le temps heureux rêvé par nos ancêtres
Arrive enfin chez nous, réjouisse les êtres,
Et chasse les sorciers, ces perfides trompeurs.
Qui semaient le poison et répandaient la peur.
Afin qu’aux yeux du monde et des nations amies
Le Gabon immortel reste digne d’envie,
Oublions nos querelles, ensemble bâtissons
L’édifice nouveau auquel tous nous rêvons ».
Je souhaite plein succès aux travaux des présentes assises porteurs d’avenir.
Vive le Gabon et que Dieu Bénisse le Gabon !

Je vous remercie !

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