A FAUSSE DÉMOCRATIE, FAUSSES RÉFORMES




Limogeage du rédacteur en chef de Gabon Matin pour avoir écrit un mail privé qui a osé critiquer Ali Bongo; mise au rancart autoritaire d’un gouverneur de l’Ogooué Maritime qui ne roulait pas ouvertement pour le régime, renvoie à la maison de personnes soupçonnées avoir soutenu l’opposition lors de la présidentielle, etc., etc. Ces événements récents mettent en relief le paradoxe des supposées réformes « encourageantes » — souvent acclamées par les « émergents » — actuellement en cours au Gabon.
En théorie du moins, Ali Bongo serait en train de « révolutionner » l’État Gabonais. A écouter ses chantres, il le dépouillerait des « mauvaises habitudes », il promulguerait une réforme économique et politique, mettant sur pied un mode de gestion nouveau et efficace. Cependant, à y regarder de près, le gouffre entre l’image et la réalité s’étend. La corruption reste endémique; le gouvernement serre la vis aux syndicats, les forces de sécurité battent, emprisonnent, voire même tuent des citoyens qui osent réclamer leurs droits.

Dans le contexte du monde d’aujourd’hui, le Gabon doit paraître démocratique. Les efforts de publicité des media Gabonais pour présenter l’exécutif et le législatif Gabonais comme des systèmes ouverts et transparents sont plutôt amusants. Tout le monde, au Gabon, sait que le système Bongo méprise éperdument les « checks and balances » administratifs et constitutionnels. En théorie, le Gabon a un système présidentiel avec une gouvernance qui échoie au premier ministre dont les actes sont supposés être validés par les chambres parlementaires. Dans la pratique, cependant, le président Gabonais sous Bongo père et sans doute fils, jouit de pouvoirs illimités, il nomme même les députés qui doivent être élus, l’élection n’étant plus qu’un simulacre, une formalité.

Par ailleurs, Ali Bongo emploie l’armée au mépris de toute norme constitutionnelle. Il a envoyé des parachutistes dans les rues de Libreville s’attaquer aux manifestants à la cité de la démocratie. Les mêmes parachutistes furent envoyés à POG pour reprendre le contrôle de la ville face à des citoyens enragés par la fraude électorale ; et aussi au Nord du Gabon.
Quand certains organes de la presse Gabonaise privée prêtent leurs voix aux mécontents, ils le font à leurs risques et périls, car la CNC est toujours prête à sévir si un article écorche le nouveau roi. Au Gabon dans les organes de presse publique, la règles de censure semble être : «Nous ne supporterons pas les critiques directes à propos du président», et les journalistes se le tiennent pour dit.
Sur ce fond de violations de droits humains élémentaires, la corruption continue sans freins, l’impunité aussi. Les meurtres qui suivirent les nominations suite au fameux « Tsunali », restent non élucidés.

Tout cela donne une bien bizarre réforme. La structure du Gabon est en train de changer, oui c’est vrai. Mais la plupart des changements renforcent le modèle autoritaire. Les nouvelles lois électorales dont parlent Mborantsuo ne devront pas inquiéter le PDG, les nominations à des postes de responsabilité restent dépendantes de la fidélité à Ali Bongo. Même un programme supposé être de solidarité comme la couverture médicale par la CNAMGS, est présenté comme une générosité présidentielle, ce qui renforce la tendance traditionnelle de subordination au «patron généreux », et par voie de conséquence, confine le reste de la population à la clochardisation et au larbinisme.
Les pratiques politiques autoritaires touchent inévitablement le domaine économique. Le ministre du Travail refuse d’enregistrer certains syndicats jugés « non-émergents », pour que leurs grèves puissent ainsi être déclarés «illégales» et donc réprimées par la force. La télévision publique, fortement subventionnée par le contribuable, refuse à l’opposition un espace dans les bulletins d’information, et même l’accès à la publicité payée!

Pour résoudre la contradiction des fausses réformes d’Ali Bongo, il nous faut exposer la raison de ce paradoxe: la persistance du système de parti unique, alors même que le nombre de partis politiques ne cesse d’augmenter. Il reste qu’au Gabon, seul le PDG compte, seul le PDG peut faire de vous un « quelqu’un » et seul le PDG gère le pays et distribue la manne.

Nous devons dire à Ali Bongo que s’il veut les avantages économiques d’une société libre, il doit en accepter toutes les conséquences. Plus spécifiquement, que si, comme il le prétend, son régime n’a rien à cacher ni à se reprocher, il n’a aucune raison de s’opposer à l’implantation d’une démocratie véritable qui ne confine pas le pouvoir entre les mains d’une famille.

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